Le 25 avril 2009, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a déclaré que Pyongyang reprenait ses activités nucléaires militaires. Une réaction conforme à ce qu'avait annoncé la RPDC, quelques heures après que le Conseil de sécurité des Nations-Unies a pris des sanctions contre trois entreprises nord-coréennes. Mais à qui profite la crise dans la péninsule coréenne ?
"Le retraitement du combustible nucléaire depuis la centrale nucléaire pilote [de Yongbyon] a commencé, comme annoncé dans la déclaration du ministère des affaires étrangères en date du 14 avril", a fait savoir le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) dans des propos cités par l'agence officielle nord-coréenne KCNA, le 25 avril. Cette annonce est intervenue quelques heures après que le comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations-Unis a imposé des sanctions contre trois entreprises nord-coréennes (parmi lesquelles une banque) dont les activités auraient permis le lancement de la fusée Unha-2 le 5 avril.
Prises sur la base de la résolution 1718 du Conseil de sécurité des Nations-Unies, les nouvelles sanctions contre la Corée du Nord donnent la vraie portée de la déclaration de la présidence du Conseil de sécurité des Nations-Unies, ayant reçu le soutien unanime des 15 membres de cette instance, le 13 avril : présenté comme "non contraignant", ce texte avait bien comme but d'imposer des mesures coercitives contre la RPDC, au lendemain du lancement par la Corée du Nord du satellite de télécommunications Kwangmyonsong-2, présenté par les Américains contre un tir de missile déguisé. Pourtant, les Etats-Unis, parrains de la déclaration du 13 avril, savent pertinemment qu'il s'agissait du lancement d'un satellite (ainsi que l'avait déclaré le 9 mars M. Dennis Blair, chef des services de renseignements américain à la commission des affaires étrangères du Sénat), mais ont dû changer d'argumentaire face à la réaffirmation par la Chine et la Russie que tout pays à le droit d'avoir accès à la conquête spatiale : le lancement d'un missile, comme d'un satellite, utilisant des techniques balistiques, le gouvernement américain a cherché à imposer l'idée que la Corée du Nord visait avant tout à tester ses missiles, tout en laissant certains médias déclarer qu'il pourrait bien n'y avoir eu aucun lancement de satellite... Par ailleurs, la trajectoire - filmée - de la fusée montre qu'il s'agissait de la mise en orbite d'un satellite de communications.
Selon les experts occidentaux, la remise en fonctionnement du réacteur de Yongbyon pourrait prendre mois de trois mois.
La réaction de la République populaire démocratique de Corée était prévisible et annoncée, comme l'avait rappelé Son Excellence (SE) Son Musin, délégué général de la RPDC en France, dans un entretien à l'AAFC : en cas de sanctions après le lancement pacifique de son satellite de communications, la Corée du Nord ne se considèrerait plus liée par ses engagements internationaux, notamment les pourparlers à six sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne, et elle se doterait à nouveau d'une force nucléaire de dissuasion. Pour Pyongyang, qui a le souvenir de l'attaque américaine contre l'Irak en 2003 sur la base de la prétendue possession par Bagdad d'armes de destruction massive, la sécurité est une priorité absolue, en l'absence d'accord de paix dans la péninsule coréenne depuis l'armistice de juillet 1953. La Corée du Nord ne peut renconcer à ses armes nucléaires qu'en cas de garanties sérieuses de sécurité, mais Washington n'a - en tout cas publiquement - mis aucun offre sérieuse sur la table des négociations.
Si, en septembre 2008, l'annonce - déjà - par Pyongyang de la reprise de ses activités nucléaires avait finalement conduit au respect de l'engagement américain de son retrait de la liste des Etats soutenant le terrorisme, l'administration Bush - contrairement à l'administration Obama - n'avait pas pris le risque de mettre en danger les pourparlers à six.
Les propos musclés de la secrétaire d'Etat Hillary Clinton - dont les néoconservateurs s'étaient rejoui de la nomination à ce poste, de préférence à Bill Richardson - qui dit ne pas vouloir céder au "chantage" des Nord-Coréens, indiquent que les Américains sont dans une démarche de marchandage. Ils augmentent leur prix d'un éventuel accord à venir, en créant de nouveaux sujets de contentieux avec Pyongyang :
- par la campagne médiatique orchestrée sur le thème d'un essai balistique raté (il serait toujours temps, le moment venu, de déclarer qu'il s'agissait d'un lancement de satellite... comme naguère à propos du programme d'enrichissement supposé à base d'uranium, dont les preuves n'ont jamais été apportées, mais qui avait motivé le retrait de la Corée du Nord de l'AIEA) ;
- par la multiplication des sanctions contre Pyongyang (Washington visait onze entreprises nord-coréennes et les Japonais, toujours en position de surenchère, quatorze) : les Etats-Unis entendent manifestement mettre économiquement à genoux la RPDC ;
- en réaffirmant que la Corée du Nord n'est pas une puissance nucléaire, prenant ainsi le contrepied des déclarations du directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique qui cherchait à réouvrir un dialogue avec Pyongyang ;
- en utilisant la carte du multilatéralisme : Washington affirme bruyamment travailler en coopération l'ensemble de la communauté internationale.
Car si les Etats-Unis entendent bien aujourd'hui profiter de la crise, serait-ce au prix de nouveaux sacrifices pour les populations nord-coréennes, la Russie, et surtout la Chine, apparaissent aujourd'hui comme les premières victimes collatérales de l'affrontement américano - nord-coréen, dont elles ne maîtrisent pas l'évolution. Leurs efforts pour ressusciter les pourparlers à six ont jusqu'ici échoué, alors qu'ils sont un des atouts de la diplomatie chinoise pour apparaître comme une puissance internationale responsable. Ayant privilégié d'autres terrains diplomatiques que la péninsule coréenne dans la période récente, la Chine a sous-estimé les réactions de Pyongyang, en veillant à maintenir de bonnes relations avec les Etats-Unis. Quant à la récente visite du ministre russe des Affaires étrangères à Pyongyang, ce dernier a tendu à être instrumentalisé par les Etats-Unis, quand Hillary Clinton déclare à la presse donner à la Russie et à la Chine le rôle de négocier avec la RPDC la reprise des pourparlers à six au sens du "consensus" de la communauté internationale... alors que Pyongyang cherche l'engagement de pourparlers directs avec les Etats-Unis, à un niveau au moins gouvernemental. (Sources : AAFC, AFP, Reuters).
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