La République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a donc annoncé le lancement - entre le 4 et le 8 avril - d'un satellite de télécommunication expérimental, un tel satellite devant contribuer à améliorer la vie quotidienne des habitants dans un pays montagneux et difficile d'accès. A quelques heures de ce lancement, S.E. Son Musin, délégué général de la RPDC en France et ambassadeur auprès de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO, dont le siège est à Paris), a bien voulu répondre aux questions de l'Association d'amitié franco-coréenne. Face à la mal-information que subit trop souvent la RPDC de la part des principaux médias qui, dans une belle unanimité, dénoncent par avance le lancement d'une fusée par la Corée du Nord sans prêter attention aux arguments de ce pays, il nous a semblé important de recueillir l'avis du principal représentant de la RPDC en France.
Monsieur l'ambassadeur, nous vous remercions tout d'abord de bien vouloir répondre à nos questions à un moment si important pour la Corée et, pourrait-on dire aussi, pour le monde. Les médias occidentaux, y compris en France, présentent le prochain lancement d'une fusée spatiale par la RPD de Corée comme une menace pour la paix mondiale. Que répondez-vous à de telles accusations?
L’utilisation de l’espace à des fins pacifiques constitue un droit légitime pour un Etat souverain. Le lancement d'un satellite pacifique est une œuvre juste contribuant à la prospérité de notre nation et au progrès de l’humanité.
La RPDC a déjà adhéré aux traités relatifs au lancement de satellites et envoyé le 21 mars dernier, en vertu des règlements internationaux concernant le lancement de satellites, aux Etats-Unis, au Japon, à la Russie, à la Chine et à la Corée du Sud qui contrôlent ou utilisent les zones que notre satellite prévoit de survoler, des télégrammes concernant la fermeture des espaces à risque pendant la période prévue pour le lancement.
Cela étant, présenter le lancement du satellite pacifique Kwangmyongsong-2 comme une menace pour la paix du monde constitue un argument grossier sans aucun fondement et l’expression de l’hostilité contre la RPDC.
Jusqu’ici, aucun des lancements de satellites réalisés par beaucoup d’autres pays, y compris la France, n’a été remis en cause de pareille façon.
Nous ne pouvons pas suivre cette logique injuste selon laquelle tous les pays ont le droit de lancer un satellite, sauf la RPDC.
Prétendre que le lancement d'un satellite est préoccupant car la technique employée est similaire à celle des missiles de longue portée est aussi absurde que dire que le couteau doit être interdit au nom du désarmement car il a un point commun avec la baïonnette.
Nous rejetons donc catégoriquement tous ces arguments grossiers et sans fondements qui s'opposent au lancement de notre satellite.
Le pas de tir du cosmodrome de Musudan-ri (nord-est de la Corée),
pris en photo par un satellite le 29 mars 2009
(source : GeoEye)
A la différence – semble-t-il - des Etats-Unis, le Japon envisage toujours d'abattre la fusée que veut lancer votre pays. Comment réagira la RPD de Corée en cas d'interception ?
L’Etat-major de l’Armée populaire de Corée a rendu publique le 2 avril une déclaration selon laquelle elle mènera des représailles fulgurantes contre les moyens d'interception et des objectifs majeurs japonais si le Japon perd la raison et ose intercepter notre satellite pacifique.
Notre armée a toujours tenu parole.
Il nous reste à voir ce qui va se passer.
Les Etats-Unis et leurs alliés, le Japon et la Corée du Sud en tête, veulent saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies parce que le lancement d'une fusée par la RPD de Corée violerait la résolution 1718 adoptée en octobre 2006 après l'essai nucléaire de la RPDC. Quelle sera la réaction de la RPD de Corée si le Conseil de sécurité est saisi?
Si le Conseil de sécurité des Nations Unies adopte un document quelconque qui nous blâme concernant le lancement de notre satellite à des fins pacifiques, que ce soit une "déclaration du président" ou un "communiqué", et s’il le met à son ordre du jour et le traite, ce fait même sera un acte hostile et brutal contre nous.
Si la déclaration conjointe du 19 septembre 2005 [relative à la dénucléarisation de la péninsule coréenne, NdlR] est niée à cause de cette éventuelle hostilité, les pourparlers à six n’auront plus leur raison d’être et tous les progrès réalisés jusqu’ici pour la dénucléarisation de la péninsule coréenne feront marche arrière pour revenir au point de départ.
Dans ce cas, nous prendrons des mesures appropriées et nécessaires.
A propos des pourparlers à six pays qui réunissent depuis 2003 les deux Corée, les Etats-Unis,la Chine, la Russie et le Japon, la RPD de Corée déclare que toute nouvelle sanction contre elle remettra en cause ces pourparlers. Pourquoi?
La déclaration conjointe pour la dénucléarisation de la péninsule coréenne, adoptée le 19 septembre 2005 aux pourparlers à six et en voie d’application, est basée sur un "esprit de respect mutuel et d’égalité".
Cela étant, si une "sanction" est prise au nom du Conseil de sécurité des Nations Unies, cela signifiera que celui-ci nie ladite déclaration.
Nier l’esprit fondamental de la déclaration conjointe du 19 septembre serait nier les pourparlers à six.
Si ces pourparlers à six échouent, la responsabilité en reviendra entièrement au Japon et aux autre pays qui ont nié l'"esprit de respect mutuel et d’égalité" de la déclaration conjointe du 19 septembre.
Après un peu plus de deux mois, comment jugez-vous la politique coréenne de l'administration Obama?
Récemment les Etats-Unis ont plusieurs fois perpétré des actions qui portent atteinte à notre souveraineté et sont intervenus dans nos affaires intérieures.
Ils s’attachent toujours à des manœuvres provocatrices de guerre contre la RPDC comme les exercices militaires conjoints américano-sud-coréens Key Resolve et Foal Eagle du mois de mars dernier.
Tous ces comportements provoquent l'indignation extrême de notre peuple et de notre armée.
Nous allons maintenir fermement le principe de notre politique vis-à-vis des Etats-Unis et nous allons poursuivre notre chemin conformément à notre politique indépendante.
Pour conclure, que pensez-vous du principe des "deux poids et deux mesures" dans les relations internationales? Et comment y remédier, selon vous?
Malheureusement, on constate que "deux poids et deux mesures" s'appliquent à beaucoup de domaines de la politique internationale comme la démocratie, les droits de l’homme et les questions scientifiques telles que notre projet de lancement de satellite.
Rien que pour les droits de l’homme, notre société où les masses populaires sont maître de tout et où tout est fait en faveur de la population fait l’objet de critiques et est blâmée alors que les massacres de populations civiles et les tortures perpétrées par les Etats-Unis sous prétexte de "guerre contre le terrorisme" ne sont même pas mis à l’ordre du jour des réunions des Nations Unies sur les droits de l'homme.
Pour y remédier, toutes les forces progressistes du monde devraient mener une lutte unie et coordonnée pour instaurer un nouvel ordre international juste et équitable.
Merci, Monsieur l'ambassadeur.
Propos recueillis le 3 avril 2009
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