Surnommé « le bulldozer », le président sud-coréen Lee Myung-bak était déterminé à faire adopter 85 textes de loi d'ici la fin de l'année 2008, pour libéraliser l'économie et limiter les libertés de manifestation et d'expression. C'était compter sans la résistance déterminée du Parti démocratique (opposition) qui a choisi d'occuper les locaux du Parlement.
Elu en décembre 2007 sur un programme de rupture avec ses prédécesseurs démocrates, le président sud-coréen Lee Myung-bak entend libéraliser une des économies comptant parmi déjà les moins socialisées des pays industrialisés de l'OCDE. La crise financière l'a incité à accélérer le calendrier des réformes, après avoir ignoré – puis réprimé – les centaines de milliers de manifestants qui ont protesté pacifique, au printemps 2008, contre sa décision unilatérale de rouvrir le marché sud-coréen aux importations de boeuf américain. Ces manifestations, les plus importantes depuis celles qui avaient conduit à la chute du régime militaire en 1987, avaient entraîné un effondrement de la cote de popularité de Lee Myung-bak, tombée à 20 %.
Disposant d'une nette majorité parlementaire après le ralliement d'élus "indépendants" au lendemain du scrutin (le Grand parti national compte 172 députés sur 299, contre 82 sièges pour le Parti démocratique, principale formation d'opposition), Lee Myung-bak entendait faire adopter 85 textes de loi d'ici le 31 décembre 2008. A cette fin, une session extraordinaire du Parlement a été ouverte pendant les congés de Noël.
Parmi les mesures les plus impopulaires de ce « paquet législatif » figure la ratification de l'accord de libre échange (Free Trade Agreement, FTA) avec les Etats-Unis. Il s'agissait d'un engagement pris par Lee Myung-bak, au printemps 2008, lorsqu'il avait été reçu comme l'hôte personnel du président George W. Bush.
Par ailleurs, Lee Myung-bak entend limiter la liberté de manifestation et la liberté d'expression : sont ainsi prévues l'interdiction pour les manifestants de porter des masques au cours des rassemblements, l'interdiction des plaintes collectives et, enfin, des peines de prison pour les internautes qui auraient été reconnus coupables de diffamation. En matière de liberté d'expression, la Corée du Sud possède pourtant un des arsenaux répressifs les plus complets parmi les régimes dits de démocratie parlementaire : la loi de sécurité nationale, instituée par le président Syngmann Rhee en décembre 1948, officiellement pour prévenir la subversion anticommuniste, a été utilisée pendant longtemps pour bâillonner l'opposition. Après la chute du régime militaire en 1987, le Grand parti national de l'actuel président Lee Myung-bak s'était battu avec succès contre l'abrogation de la loi de sécurité nationale, qui a ainsi pu être invoquée pour réprimer les manifestations du printemps 2008. Face toutefois à la montée en puissance médiatique d'Internet, qui a servi de relais aux manifestants du printemps 2008, l'administration Lee Myung-bak a imaginé le nouveau délit de diffamation sur la Toile.
Enfin, le « paquet législatif » envisage que les groupes de presse ou les conglomérats puissent contrôler les diffuseurs audiovisuels. Tous les principaux titres de la presse quotidienne nationale sud-coréenne, de sensibilité conservatrice, sont traditionnellement favorables au Grand parti national du Président Lee Myung-bak.
S'appuyant sur l'impopularité de l'exécutif, le Parti démocratique (opposition, centriste) veut empêcher coûte que coûte l'adoption de ces réformes législatives. Selon le président du Parti démocratique, Chung Sye-kyung, la résistance au Parlement doit s'opérer « par tous les moyens et à n'importe quel prix » : après un blocage pendant quinze jours du bureau du Président du Gukhoe (l'Assemblée nationale sud-coréenne), le 3 janvier dernier, 200 agents de sécurité ont essayé de déloger plusieurs dizaines de députés du Parti démocratique, qui bloquaient l'accès au Parlement. Plusieurs personnes ont été blessées.
Après un blocage pendant douze jours de l'accès au Parlement, le 5 janvier 2009, l'engagement du Président du Gukhoe, Kim Hyong-o, de rechercher un accord trans-partisan sur les projets de loi les plus controversés a ouvert la voie à une reprise de l'examen parlementaire. Les textes de caractère économique, y compris la ratification de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis (pour lequel l'accord des parlementaires américains n'est pas acquis), ne devraient pas être adoptés avant février. (Sources : AAFC ; Philippe Mesmer, « Le Parlement sud-coréen en état de siège », in Le Monde, 3 janvier 2009, p. 6 ; Le Journal du Dimanche, édition du 4 janvier 2009, d'après l'AFP)
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