EuroArts vient d'éditer un DVD (disponible aussi en Blu-Ray Disc) du concert donné le 26 février 2008 à Pyongyang par l'Orchestre philharmonique de New-York. C'est l'occasion de voir et revoir, dans les meilleures conditions, ce concert qui marque un tournant dans les relations entre les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Dans cette édition figure aussi un intéressant documentaire qui permet de se plonger dans les coulisses de cet événement historique.
Tout a déjà été écrit, ou presque, sur le concert historique donné à Pyongyang par l'Orchestre philharmonique de New York le 26 février 2008, suite à une invitation lancée par les autorités nord-coréennes en août 2007. La République populaire démocratique de Corée et les Etats-Unis sont toujours "techniquement" en guerre, faute de traité de paix à l'issue de la Guerre de Corée, mais, l'espace d'un soir, les Coréens et le monde entier purent entendre résonner dans le Grand Théâtre de Pyongyang-Est, sous la direction de Lorin Maazel, les hymnes nationaux des deux pays. Cet instant, déjà entré dans l'Histoire, fut suivi du prélude de l'acte III de Lohengrin de Richard Wagner, de la symphonie n°9 "du Nouveau Monde" d'Antonín Dvořák et de Un Américain à Paris de George Gershwin. Puis vinrent les trois bis : la farandole de l'Arlésienne de George Bizet, l'ouverture de Candide de Leonard Bernstein et surtout un très émouvant Arirang, air populaire qui touche le coeur de tous les Coréens. Ce sont tous ces moments qu'un DVD (disponible aussi en Blu-Ray Disc) édité par EuroArts propose de revivre.
En plus de l'intégralité du concert du 26 février, cette édition propose un documentaire passionnant de près d'une heure, Des Américains à Pyongyang, sur les coulisses de cet événement historique, depuis sa genèse jusqu'au lendemain du concert.
On y apprend que, devant la réaction négative de certains membres du Philharmonique de New York après l'invitation du gouvernement de la RPDC, Christopher Hill, secrétaire d'Etat adjoint et négociateur en chef des Etats-Unis aux pourparlers sur le nucléaire nord-coréen, est lui-même venu parler aux musiciens du bien-fondé de cette initiative, en les laissant libres de leur choix. Hill sut trouver les mots pour les convaincre et aucun musicien ne regrettera cette expérience.
On voit la délégation américaine (280 personnes) arriver à Pyongyang dans un mélange de "crispation" et d'"angoisse", pour reprendre les propres termes de Rebecca Young (deuxième alto). La crispation et l'angoisse seront vite dissipées.
On assiste à un cours donné à une jeune musicienne nord-coréenne par Glenn Dicterow (premier violon) stupéfait par son interprétation du Concerto pour violon N°5 de Mozart. Il conseille toutefois à cette jeune prodige de travailler son legato. Celle ci ne s'offusque pas de cette "méthode d'enseignement très proche de celle des professeurs coréens."
En bien d'autres occasions, le documentaire permet de constater à quel point la musique constitue un langage commun, que ce soit quand Lorin Maazel dirige l'Orchestre symphonique national de la RPDC pour un prélude des Maîtres Chanteurs de Wagner ou l'ouverture de Roméo et Juliette de Tchaïkovski, ou quand quatre musiciens nord-coréens se joignent à quatre musiciens américains pour une interprétation "au pied levé" de l'Octet de Mendelssohn.
Concernant le concert, Zarin Mehta, directeur du Philharmonique de New York, revient sur sa préparation et sur les conditions posées par les Américains (libre choix du programme, diffusion en direct à la télévision et à la radio...), conditions toutes acceptées par les Nord-Coréens. Mehta rappelle comment, lors d'une visite à Pyongyang en octobre 2007, il eut l'occasion d'entendre l'Orchestre symphonique national de la RPDC interpréter l'air traditionnel coréen Arirang et en demanda immédiatement la partition. "Si vous jouez Arirang lors du concert, avait alors prévenu un de ses interlocuteurs coréens, aucun oeil ne restera sec de part et d'autre de la zone démilitarisée." Il semble qu'il ne se soit pas trompé.
A la fin du concert, Lorin Maazel et Glenn Dicterow qui viennent de sortir de scène où ils se sont attardés pour répondre aux acclamations du public, ne dissimulent par leur enthousiasme pour cette soirée qui "dépasse leurs rêves les plus fous." Et quand, un peu plus tard, ils croisent dans les coulisses le vice-ministre nord-coréen de la Culture, ce dernier leur avoue qu'il aura "du mal à dormir ce soir..." Tous ces instantanés, ces choses vues et entendues, semblent donner corps à l'espoir exprimé par Zarin Mehta que, en venant en Corée du Nord, l'Orchestre philharmonique de New York ait "oeuvré pour le bien du monde."
Seule fausse note dans ce documentaire, en voulant demander leurs impressions à des visiteurs étrangers présents à Pyongyang le 26 février 2008, le réalisateur donne la parole à un certain Antoine Dreyfus, présenté comme un "industriel du chocolat". Le problème est que M. Dreyfus est en fait un journaliste du magazine français VSD, "infiltré" dans une délégation d'hommes d'affaires afin de réaliser un énième reportage "à sensation" sur la Corée du Nord. Pendant que la grande Histoire s'écrit, les petites histoires doivent s'écrire aussi... Pauvre journaliste pris à son propre piège ! En entendant mentir ce faux industriel et vrai imposteur sur les motivations de sa visite et dire tout le bien qu'il pense du concert, on sent que c'est surtout la peur de se faire repérer qui prévaut, faisant de cette séquence un sommet du comique de situation. Espérons seulement que le visionnage de ce DVD donnera quelques regrets à certains "professionnels" qui n'ont pas pu - ou voulu - saisir l'importance d'un événement dont ils auraient pu être les témoins privilégiés.
The Pyongyang Concert (DVD)
Editeur : EuroArts
Durée : 107 mn (concert) + 52 mn (documentaire)
Format : NTSC - 16/9
Code région : 0
Son : Dolby Digital 2.0, Dolby Digital 5.1, DTS 5.1
Langue : français, anglais,
Sous-titres : français, anglais, allemand, espagnol, japonais
Inclus : livret en français, anglais et allemand.