Et si la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) constituait un test pour la définition d'une politique étrangère commune de l'Union européenne ? L'attitude non constructive du Japon dans les pourparlers à six sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne a ouvert la possibilité que l'Australie, ou l'Union européenne (UE), remplace le Japon dans la fourniture d'énergie à la RPDC, rendant ainsi crédible une plus grande implication politique de l'UE en Corée.
L'accord de Pékin, conclu le 13 février 2007 lors des pourparlers à six (les deux Corée, les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Japon), prévoyait la livraison d'énergie à la RPDC par les cinq autres parties, en contrepartie de la désactivation de ses installations nucléaires militaires par Pyongyang. Plus d'un an et demi plus tard, le Japon reste la seule partie à n'avoir honoré aucun de ses engagements, en arguant de la non-résolution de la question de ses ressortissants enlevés par les services secrets nord-coréens dans les années 1970 et 1980. La RPDC a ainsi demandé que le Japon ne soit plus partie aux négociations. Il a donc été envisagé que d'autres pays, à savoir l'Union européenne ou l'Australie, suppléent le Japon dans la livraison d'énergie, voire à terme comme partie aux négociations.
Pour l'Union européenne, la question nucléaire nord-coréenne pourrait constituer un excellent test de la définition d'une politique étrangère commune : contrairement aux autres pays engagés dans les négociations à six, l'UE n'a pas de passé colonial dans cette partie du monde, et elle n'a pas non plus participé en tant que telle à la guerre de Corée (1950-1953). Comme elle n'est pas davantage l'une des grandes puissances frontalières de la Corée qui ont essayé de peser sur le destin de la péninsule, elle pourrait constituer un acteur plus désintéressé, essentiellement soucieux de parvenir à un règlement politique.
L'Union européenne est déjà présente en Corée du Nord, mais aujourd'hui dans le seul domaine humanitaire. Les ONG des pays européens agissent d'ailleurs, depuis 2005, dans le cadre institutionnel de l'Union européenne. Certes, de 2001 à 2003, l'Union européenne avait également engagé un dialogue sur les droits de l'homme avec Pyongyang qui avait permis d'engranger quelques résultats à l'actif de la diplomatie européenne, mais le choix depuis 2003 d'une politique de simple condamnation de la Corée du Nord a discrédité l'UE comme acteur pouvant peser sur les choix de Pyongyang.
L'Allemagne est d'ores et déjà un des principaux partenaires commerciaux de la RPDC. Mais les dissensions internes à l'Union européenne restent un facteur décisif de blocage. Au sein de l'UE, la France est le seul pays de l'Union européenne à ne pas avoir établi de relations diplomatiques complètes avec Pyongyang, et à Bruxelles Paris est le principal avocat du refus de toute main tendue à la Corée du Nord. Si la visite du vice-ministre nord-coréen des affaires étrangères en Europe, en mai 2008, avait montré un certain assouplissement des positions des représentants de la France au sein des institutions européennes, la présidence française de l'Union européenne, du 1er juillet au 31 décembre 2008, semble depuis devoir bloquer toute avancée, dans l'attente que la République tchèque préside l'UE à compter du 1er janvier 2009.
Bien que l'attitude de Tokyo ouvre une opportunité d'exister pour l'UE sur la scène diplomatique coréenne, une nouvelle occasion semble ainsi d'ores et déjà perdue : alors que l'Australie a déjà fait savoir qu'elle était prête à remplacer le Japon dans les livraisons de pétrole à la RPDC, on attend toujours une déclaration du président de la République française Nicolas Sarkozy ou du ministère français des Affaires étrangères.
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