Alors que la Corée du Sud pourrait être l'une des économies asiatiques les plus touchées par la crise financière, le Parlement sud-coréen est appelé à se prononcer, dans les derniers jours d'octobre 2008, sur un plan gouvernemental comportant notamment une garantie de 100 milliards de dollars à 18 établissements financiers. Une réponse qui suit celle des autres principaux pays industrialisés, alors que Séoul cherche également à se positionner sur la scène internationale.
Face à la pire crise économique et financière de l'histoire coréenne depuis 1998, les autorités de Séoul ont annoncé, le dimanche 19 octobre 2008, un plan de soutien au secteur bancaire et financier, qui devrait passer sans difficultés l'étape parlementaire, au cours de la semaine du 27 octobre 2008. Suiviste des autres grands pays industrialisés dans leurs réponses nationales à la crise financière, la Corée du Sud cherche toutefois à se positionner dans les instances internationales.
D'une crise financière à une crise économique
La crise a déjà eu une dimension financière : le principal indice de la Bourse de Séoul, le Kospi, a reculé de 40 % entre juin et octobre 2008.
L'affaiblissement du won, dont le taux de change est passé de 937 won pour un dollar en janvier à 1.334 won pour un dollar le 17 octobre 2008, pèse fortement sur les prix des produits importés.
Pour le seul secteur bancaire, les 18 établissements bénéficiaires du plan gouvernemental, détaillé ci-après, entendent diminuer les salaires de leurs cadres et geler les augmentations de leurs employés.
Le manque de liquidités devrait affecter le financement des différents secteurs économiques : face à ce risque, la commission des services financiers (FSC) entend accorder des primes aux banques qui engageront des mesures internes de restructuration, tout en respectant leurs engagements de prêts aux particuliers et aux petites et moyennes entreprises.
La tendance au recul de la croissance économique devrait se poursuivre jusqu'en juin 2009, selon le gouverneur de la Banque centrale, auditionné par le Parlement sud-coréen.
Le plan sud-coréen de lutte contre la crise
Initialement réticentes à intervenir dans la sphère économique, les autorités sud-coréennes ont finalement opté pour un plan de soutien au secteur bancaire et financier qui s'inspire largement des dispositions mises en place en Europe et en Amérique du Nord.
Le 19 octobre 2008, dans un communiqué commun avec la banque centrale (la Banque de Corée), le gouvernement sud-coréen a annoncé une garantie des prêts interbancaires en devises étrangères à hauteur de 100 milliards de dollars américains : le dispositif bénéciera à 18 banques sud-coréennes, pour une durée de trois ans (jusqu'en juin 2009) à compter de la date des emprunts. Par ailleurs, la Banque de Corée apportera des liquidités au secteur bancaire, pour l'équivalent de 30 milliards de dollars, en utilisant les réserves en devises étrangères. Ces sommes seront réparties entre 10 milliards de dollars pour soutenir le won sur le marché des changes et 20 milliards de dollars de soutien aux exportateur de taille moyenne. Des aménagements fiscaux constituent le troisième et dernier volet de ce plan.
Adopté en conseil des ministres, le plan de garantie aux prêts interbancaires devrait franchir sans encombres la phase de l'adoption parlementaire, où il est attendu que l'opposition (de centre-droit) approuve globalement ce programme de mesures. A cet égard, la faiblesse de la gauche sud-coréenne (9 % des voix aux dernières élections législatives, 5 sièges de députés sur 299) n'encourage pas, en Corée du Sud, l'émergence d'un débat politique de fond sur le modèle économique sud-coréen.
Séoul dans le jeu des puissances internationales
Forte d'une économie se classant, suivant les données, au dixième ou au onzième rang mondial, la Corée du Sud entend prendre toute sa place dans les prochains sommets internationaux . A cet égard, la Corée du Sud est membre du G20 qui réunit, outre les Etats membres du G7, les 13 principales puissances industrielles du monde développé ou en voie de développement (sur la carte ci-contre, les pays en bleu foncé sont directement membres du G20, les pays en bleu clair sont indirectement membres du G20 par leur appartenance à l'Union européenne, membre à part entière du G20). La prochaine réunion du G20 est attendue pour le 15 novembre 2008, afin d'examiner "les progrès réalisés pour faire face à la crise financière actuelle" et trouver un accord "sur un ensemble de principes communs en vue de réformer les régimes institutionnels et de réguler les secteurs financiers mondiaux", selon Dana Perino, porte-parole de la présidence américaine.
Dans un entretien au quotidien français Le Figaro, le président sud-coréen Lee Myung-bak (conservateur) a plaidé pour une participation des pays émergents à une réforme du système financier international, en envisageant également de nouveaux modes de régulation.
Compte tenu de leur forte intégration économique régionale, la Chine, le Japon et la Corée du Sud ont décidé de mettre en place, d'ici novembre 2008, un système trilatéral de surveillance qui porterait sur les actifs financiers, les investissements et les risques des principales banques asiatiques. Inspiré du mécanisme adopté par les ministres des finances des pays membres du G7, ce dispositif témoigne d'une volonté nouvelle de coordination entre les trois principaux acteurs économiques d'Extrême-Orient.
Conclusion : le contre-coup d'une crise de croissance de l'économie sud-coréenne ?
Alors que la Corée du Sud a enregistré, entre 1970 et 1990, la plus forte croissance jamais enregistrée par un pays industrialisé, la sévérité attendue des difficultés financières sur l'économie sud-coréenne pose la question d'une crise de croissance trop rapide, marquée par :
- une dérégulation du secteur bancaire et financier,
- l'absence - sans équivalent dans les autres pays de l'OCDE - d'un système viable de protection sociale,
- un modèle de développement extraverti, fondé sur l'ouverture économique et commerciale au reste du monde.
La crise financière de 1998 avait conduit à une restructuration du secteur bancaire, par le démantèlement des conglomérats économiques et financiers sud-coréens, les chaebols. Immédiatement après son élection le 19 décembre 2007, le président Lee Myung-bak avait annoncé son intention d'assouplir les règles de concentration. Mais la survenance de la crise financière a évité une telle reconstitution des chaebols, dont la fragilité financière avait été un des moteurs de la crise de 1998.
Si la comparaison avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC) voisine est délicate, après les graves difficultés nées dans les années 1990 - pour la Corée du Nord - de la disparition de l'URSS, de catastrophes climatiques exceptionnelles et d'un sous-investissement, force est de constater que la RPDC est à l'abri des turbulences du système financier international, dans lequel elle n'est pas intégrée. (Sources : AAFC, KBS World Radio, La presse canadienne, Le Nouvel Observateur. Photo : Reuters)