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24 août 2008 7 24 /08 /août /2008 14:43

Le huitième long métrage du Sud-Coréen Hong Sangsoo Night and day, sorti en France le 23 juillet 2008, est le récit de la découverte de Paris par un jeune peintre coréen ayant dû quitter son pays et son épouse pour échapper à une arrestation. Ignorant presque tout de la France, le héros, Sung-nam, hébergé dans une pension coréenne, rencontre la communauté coréenne de la capitale française, dans un tableau réaliste et sans concessions des sentiments humains. L'AAFC s'est plus particulièrement intéressée à un détail original du film : la rencontre de Sung-nam avec un étudiant nord-coréen à Paris.

La rencontre, à Paris, entre le Sud-Coréen Sung-nam et un de ses compatriotes du Nord n'occupe que deux scènes du film Night and day de Hong Sangsoo (ci-contre à Paris, le 5 septembre 2007, lors du tournage de Night and day), sorti en France le 23 juillet 2008 avec, dans les rôles principaux, les acteurs Kim Young-ho, Hwang Soo-jeong et Park Eun-hye. Mais ce sont deux scènes particulièrement émouvantes, sur un sujet rarement abordé dans le cinéma sud-coréen, et qu'a eu le courage d'aborder le réalisateur de Le jour où le cochon est tombé dans le puits (1996) et Le pouvoir de la province de Kangwon (1998).

Dans la première scène, Sung-nam rencontre son compatriote du Nord à une soirée entre jeunes Coréens où il lui demande si celui-ci, trahi par son accent, est un Coréen chinois de la préfecture autonome coréenne de Yeonbyeon (en chinois Yanbian)... pour apprendre que ce dernier est originaire de la capitale nord-coréenne, Pyongyang, et étudiant aux Beaux-Arts. Emu, Sung-nam lui demande immédiatement, sans réfléchir, ce qu'il pense du président Kim Il-sung... mais sans utiliser les formules de politesse attendues. L'étudiant nord-coréen répond, irrité, s'il parlerait de façon aussi peu polie de son grand-père. Décontenancé, Sung-nam n'a d'autre choix que de quitter la soirée.

Les deux hommes se retrouvent ensuite par hasard, dans Paris, et c'est Sung-nam qui va accourir pour parler à l'étudiant nord-coréen qui l'avait salué poliment sans s'arrêter... Lequel lui demande tout à trac pourquoi il le "déteste" : Sung-nam l'invite à prendre un verre et les deux Coréens sympathiseront, sans se revoir.

Il y a des touches manifestement très réalistes dans le récit de cette rencontre intercoréenne : la confusion crédible entre les Coréens de Chine et les Nord-Coréens, dont l'accent est proche ; la maladresse et la curiosité du Sud-Coréen qui rencontre pour la première fois un Nord-Coréen et pose une question politique pour laquelle il n'y a pas de dialogue possible ; le sentiment erroné du Nord-Coréen croyant qu'il est détesté pour ce qu'il est ... Ou encore la volonté déterminée du Nord-Coréen à l'emporter - mais sans succès - sur son compatriote du Sud dans une partie de bras-de-fer, spécialité de Sung-nam. Et enfin la capacité très rapidement à sympathiser de deux hommes qui partagent en commun la même culture, la même langue.

Quelques détails ne sont toutefois pas justes : pourquoi l'étudiant en beaux-arts porte-t-il un badge à l'effigie du président Kim Il-sung lorsque Sung-nam le revoit dans les rues de Paris ? Sauf contexte officiel, les Nord-Coréens à l'étranger n'ont pas vocation à porter en permanence le badge du Président, pour d'évidentes raisons de discrétion. De même, la démarche un peu rigide de l'étudiant nord-coréen renvoie à un cliché des Sud-Coréens sur les Nord-Coréens : leur attitude moins décontractée les rendrait aisément reconnaissables parmi d'autres Coréens...

Selon toute évidence, le modèle psychologique de Hong Sangsoo a été tiré parmi les Nord-Coréens qui ont quitté le Nord de la péninsule pour s'établir illégalement au Sud, après être passés par la Chine puis un pays tiers. Si ces derniers se voient procurer un logement, un emploi (manuel) et un pécule (en diminution constante) lors de leur arrivée au Sud - de la même façon que les Sud-Coréens passant au Nord bénéficient d'avantages matériels, mais comparativement beaucoup plus importants - ils sont victimes de discriminations, y compris légales. En particulier, ils sont enregistrés sous un numéro de sécurité sociale qui les identifient comme originaires du Nord, et ils ne peuvent pas de déplacer à l'intérieur de la Corée du Sud sans autorisation de police. Dépourvus de tout réseau de sociabilité au Sud, ils choisissent parfois de retourner au Nord.  

En tout état de cause, Night and day a le mérite de comporter une (discrète) touche de subversion, et d'éviter la caricature du Nord-Coréen communiste assoiffé de sang et de violence comme dans Frères de sang (Taegukgi hwinalrimyeo, 2004) de Kang Je-gyu. Un choix qui mérite d'autant plus d'être salué que la loi de sécurité nationale, toujours en vigueur à Séoul, interdit aux Sud-Coréens d'entrer en contact avec des Nord-Coréens, alors que de telles rencontres, même fortuites, sont inévitables en dehors de la péninsule coréenne.

 

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