Alban Liechti nous a quittés. Militant communiste, Alban Liechti a été emprisonné pendant la guerre d'Algérie pour refus d'obéissance. Ce choix n'était alors pas conforme à la ligne du Parti communiste français (PCF) qui recommandait à ses militants d'acquérir de l'autorité auprès des autres soldats pour les amener à s'opposer à la guerre. Il répondait en revanche aux principes anticolonialistes et anti-impérialistes du jeune Alban Liechti, qui s'était engagé contre la guerre de Corée et contre la guerre d'Indochine et devait ainsi devenir adhérent de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) - y compris après que le PCF fut devenu hostile à l'AAFC, bien qu'ayant encouragé la création de l'association en 1969. L'AAFC souligne la mémoire d'Alban Liechti, homme de combats et de convictions, et présente ses condoléances à sa famille, ses amis et ses camarades - en saluant également la mémoire de son épouse Yolande, disparue en novembre 2022, à ses côtés dès son engagement décisif contre la guerre en Algérie.
Né le 24 avril 1935 dans le XVe arrondissement de Paris, Alban Liechti avait vu son père, militant communiste, être fait prisonnier par les Allemands avant de rejoindre la Résistance. Devenu ouvrier jardinier au bois de Boulogne, secrétaire du cercle de Sèvres de l'UJRF, Alban Liechti s'est engagé résolument dans les luttes contre les guerres de Corée et d'Indochine. Il a été blessé et hospitalisé lors d'une manifestation à Paris en mai 1952 contre le général Ridgway, ancien commandant en chef des troupes américaines en Corée.
Alban Liechti admirait Henri Martin qui avait refusé de se battre contre les résistants vietnamiens et engagé une lutte clandestine contre la guerre en Indochine. Appelé sous les drapeaux en mars 1956, Alban Liechti manifesta activement contre la guerre en Algérie, initiant une pétition, signée par 30 de ses 35 camarades de régiment, appelant à un cessez-le-feu. Puis il a écrit au Président de la République René Coty, quelques jours avant son départ pour l'Algérie, pour signifier son refus de porter les armes contre le peuple algérien en lutte pour son indépendance :
Dans cette guerre, ce sont les Algériens qui défendent leurs femmes, leurs enfants, leur patrie, ce sont les Algériens qui combattent pour la paix et la justice (...) Je ne peux prendre les armes contre le peuple algérien en lutte pour son indépendance.
Néanmoins envoyé en Algérie où il réitéra son refus de combattre, il devait y être emprisonné et jugé par un tribunal militaire. Soutenu par le Secours populaire français, qui lui trouva comme avocat maître Gaston Amblard, il fut condamné à une peine de deux ans de prison pour refus d'obéissance. D'autres "soldats du refus" suivirent son exemple. Ils devaient plus tard être à l'origine de la fondation, en 1986, de l'Association des combattants de la cause anticoloniale, devenue l'association Agir contre le colonialisme aujourd'hui (ACCA).
Sorti de prison tardivement, en mars 1961, puis libéré de ses obligations militaires en mars 1962 avant d'être amnistié en 1966, à son retour en métropole Alban Liechti reprit son emploi de jardinier à la ville de Trappes, dont il devint responsable des espaces verts de 1975 jusqu'à sa retraite en 1995. Il devait y côtoyer l'ancien maire de Trappes et sénateur des Yvelines Bernard Hugo, militant pacifiste et vice-président de l'AAFC, disparu en mars 2021. Alban Liechti a aussi été proche d'Henri Alleg, auteur de La Question et qui a également été membre de l'AAFC. La lutte pour l'indépendance de l'Algérie n'est pas éloignée du soutien à la réunification de la Corée, la République populaire démocratique de Corée ayant été très fortement engagée, politiquement et militairement, dans le soutien au FLN algérien ainsi qu'à d'autres mouvements de libération nationale. Plus récemment, au sein de l'ACCA, Alban Liechti avait rencontré Lee Yeda, objecteur de conscience sud-coréen.
Profondément modeste, Alban Liechti avait fait en conscience des choix qui l'honorent, recherchant toujours la voie de l'unité dans ses combats politiques. Il n'a pas cherché à avoir la carrière politique ni la renommée d'un militant comme Henri Martin - mais le PCF, qui l'aura soutenu tardivement mais activement après son emprisonnement, l'aurait-il favorisé, Alban Liechti étant un militant fidèle à son parti mais résolument indépendant d'esprit ? Alban Liechti était un homme de principes. L'exemple qu'il nous laisse est le plus précieux des héritages.
Sources :
LIECHTI Alban [LIECHTI Olivier, Alban]
ŒUVRE : Le refus, Le Temps des Cerises, Pantin, 2005, 263 p. - Les soldats du refus pendant la guerre d'Algérie, Les Editions de l'Epervier, Noisy-le-Sec, 2012, 93 p. (coll. La parole aux témoins).
Mort d'Alban Liechti, le " soldat du refus " de la guerre d'Algérie - L'Humanité
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