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28 septembre 2022 3 28 /09 /septembre /2022 21:30

En observant que la Corée a selon lui compté la plus longue histoire d'esclavage en Asie de l'Est, le coréanologue Mark Peterson y voit un signe de la stabilité et de la continuité politique au pays du Matin calme - puisque les changements politiques, et notamment de dynastie régnante, ne se sont pas traduits par l'affranchissement des esclaves. Le système d'esclavage a semble-t-il connu son apogée en Corée aux débuts de la dynastie Choseon, entre les XVe et les XVIIe siècles (sous réserve qu'une connaissance plus approfondie de l'histoire la plus ancienne de la Corée ne contredise ce constat) : à cette période, les esclaves (nobi) ont alors formé entre 30 % et 40 % de la population, se situant en bas de l'échelle sociale dans une société très hiérarchisée. Si le nombre d'esclaves a diminué drastiquement tout au long du XIXe siècle, l'esclavage n'a cependant disparu en Corée qu'en 1930, pendant la colonisation japonaise.

"La chaîne ininterrompue de l'esclavage en Corée" (Mark Peterson) pendant 1500 ans

Si le commencement de l'esclavage est discuté en Corée, il est manifestement apparu il y a 1500 à 2000 ans, à l'époque des trois royaumes. Comme partout, les esclaves ont déjà été formés par les vaincus dans les guerres. D'autres sont ensuite devenus des esclaves à la suite de jugements ou pour dette.

Si le terme d' "esclave" est parfois contesté pour désigner les nobi (selon un terme déjà attesté pendant la dynastie Goryeo), dès lors qu'il existait un autre terme ("noye") pour désigner les esclaves dans les sociétés autres que coréennes, leur statut est bien celui d'esclaves - et pas de serfs : les nobi pouvaient être achetés, vendus ou donnés, et étaient donc l'entière propriété de leur maître, selon un rapport de type confucéen entre le maître et l'esclave (où ce dernier était reconnu comme un être humain à l'instar du maître). On naissait nobi et ses descendants étaient nobi - quand bien même un seul des deux parents fût esclave. Une autre objection à l'emploi du terme "esclave" porte sur la possibilité, pour certains nobi, de disposer de droits civils. Des réformes du roi Sejong le grand entre 1426 et 1434 ont accordé des congés maternité et paternité aux nobi.

A l'époque de la dynastie Choseon, on distinguait deux catégories d'esclaves : les uns étaient la propriété de l'Etat, les autres des particuliers. Ces derniers étaient majoritairement employés dans l'agriculture, selon le système du double champ : un des champs était cultivé pour le maître et l'autre pour l'esclave - ou alors la moitié de la production était due au maître si le système agricole était fondé sur le métayage. Les nobi établis sur une terre agricole étaient les plus nombreux.

La chute du prix des esclaves à la fin du XVIIIe siècle, alors qu'ils sont alors devenus moins nécessaires à la production, a entraîné la diminution puis la réduction du nombre d'esclaves, parallèlement à une critique du système de l'esclavage par les lettrés dès le XVIIe siècle. En 1801 les esclaves publics ont été affranchis et en 1887 l'hérédite du servage a été supprimée. En 1858, les nobi ne formaient déjà plus que 1,5% de la population. Même si les réformes de l'an Gabo, en 1894, ont officiellement aboli l'esclavage, celui-ci subsistera jusqu'en 1930.

La prégnance de l'esclavage en Corée il y a encore un peu plus de deux siècles est, selon Mark Peterson, un facteur explicatif du petit nombre de patronymes en Corée.

 

Sources :

- Francis Macouin, La Corée du Choson (1392-1896), société d'édition Les Belles Lettres, Paris, 2009, pp. 69-70.

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