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23 mai 2019 4 23 /05 /mai /2019 20:26

Le 21 mai 2019, l'ambassadeur de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) auprès des Nations unies a tenu une conférence de presse au siège de l'ONU, à New York, pour exiger la libération d'un cargo nord-coréen saisi par les Etats-Unis quelques jours plus tôt. Cette conférence de presse est la troisième initiative de la RPDC en une semaine pour alerter l’opinion publique internationale sur une action des Etats-Unis s’inscrivant dans leur stratégie de « pression maximale » à l'encontre de la RPDC, stratégie en partie responsable de l'échec du sommet de Hanoï de février 2019 entre Donald Trump et Kim Jong-un.

Le cargo nord-coréen Wise Honest, le 12 juin 2017 à Vladivostok (photo : www.marinetraffic.com)

Le 9 mai 2019, le département américain de la Justice annonçait avoir saisi le cargo Wise Honest (17 061 tonnes, deuxième plus gros navire de la flotte marchande nord-coréenne) soupçonné d'avoir violé la loi américaine et le régime des sanctions internationales adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies à l'encontre de la RPDC. Washington affirme que le Wise Honest a été utilisé illégalement pour transporter du charbon nord-coréen et apporter de la machinerie lourde en RPDC, tandis que les paiements pour la maintenance du navire ont été faits en dollars américains au moyen de banques américaines. Les sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies interdisent au Nord de transférer du charbon et d'autres marchandises, et une loi américaine de 2016 interdit à certaines entités et individus de RPDC d'utiliser le système financier américain.

Le Wise Honest avait été saisi une première fois le 1er avril 2018 par les autorités indonésiennes pour avoir tenté de transporter 25 000 tonnes de charbon nord-coréen. Le 11 mai 2019, suite à sa saisie par les autorités des Etats-Unis, le Wise Honest a été déplacé dans le port de Pago Pago, dans les Samoa américaines.

La RPDC a immédiatement demandé le retour de son navire saisi. Le 14 mai, un porte-parole du ministère nord-coréen des Affaires étrangères, cité par l'agence KCNA, a ainsi qualifié la saisie du Wise Honest d'« autre acte calculé des Etats-Unis pour mettre à genoux la RPDC en exerçant une "pression maximale" » et d'« acte qui contrarie totalement l'esprit fondamental de la déclaration commune du 12 juin [2018] RPDC-Etats-Unis pour établir de nouvelles relations bilatérales ».

« Compte tenu des conséquences ultérieures de leur acte odieux sur l'évolution de la situation politique, il vaudrait mieux que les Etats-Unis nous rendent le navire dans l'immédiat », a poursuivi le porte-parole nord-coréen. « Nous allons surveiller prudemment les réactions de Washington. »

« Le temps où les Etats-Unis dirigeaient à leur guise le monde est révolu et s'ils croient que nous sommes l'une des nations sur lesquelles ils peuvent exercer le "pouvoir américain", ils ont complètement tort », a souligné le porte-parole.

« Le fait que les Etats-Unis obligent les autres pays à respecter leur droit national constitue une violation brutale du droit international universel stipulant qu'en aucun cas, un Etat souverain ne peut faire l'objet du pouvoir judiciaire d'un autre pays », a-t-il insisté.

Le porte-parole a ajouté que « les Etats-Unis ont avancé comme une des raisons de la saisie de notre cargo "les résolutions des sanctions contre la Corée du Nord adoptées par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies", mais nous les rejetons et dénonçons toujours comme elles portent sérieusement atteinte à notre souveraineté », a-t-il ajouté.

L'affaire est jugée suffisamment grave par les autorités nord-coréennes pour que l'ambassadeur de la RPDC auprès des Nations unies, Kim Song, adresse une lettre le 17 mai 2019 au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, insistant sur le caractère illégal de l'action des Etats-Unis et l’aggravation des tensions qu'elle peut entraîner :

Monsieur le Secrétaire général,

Je vous adresse cette lettre au sujet de l'incident de la saisie du cargo "Wise Honest" appartenant la République populaire démocratique de Corée (RPDC).

Les Etats-Unis ont récemment commis un acte illégal et scandaleux en amenant le cargo de la RPDC aux Samoa (Etats-Unis), associant le navire à une violation de la loi intérieure américaine, et cet acte de dépossession a clairement montré que les Etats-Unis sont bel et bien un pays gangster qui ne se soucie pas du tout du droit international.

Les sanctions unilatérales, telles que le "Sanctions Act" à l'encontre de la RPDC, basé sur la loi intérieure américaine, que les Etats-Unis ont utilisé comme base pour la dépossession du navire, sont une action illégale enfreignant la Charte des Nations unies et le droit international, selon la résolution adoptée lors de la 62e session de l'Assemblée générale des Nations unies, et un principe universellement reconnu du droit international est aussi que, en aucun cas, un Etat souverain ne peut être soumis à la juridiction d'autres pays.

De plus, les Etats-Unis ont commis un acte empiétant sur la souveraineté en enfreignant de façon flagrante la Charte des Nations unies par la dépossession du cargo sur lequel s'exerce la pleine souveraineté de la RPDC.

Parce que l’inquiétude grandit plus que jamais au niveau international quant à l’impact probable qu’aura l’acte odieux des Etats-Unis sur la situation dans la péninsule coréenne, je pense que le Secrétaire général des Nations unies doit prendre des mesures urgentes de façon à contribuer à la stabilité de la péninsule coréenne et prouver l’impartialité des Nations unies.

Nous suivrons les actions entreprises par les Nations unies.

KCNA, 18 mai 2018

En réponse à la lettre de l’ambassadeur nord-coréen, le porte-parole du secrétariat général des Nations Unies, Stéphane Dujarric, a indiqué le 20 mai que le secrétariat général ne peut guère intervenir pour que la Corée du Nord récupère son cargo. « Il revient aux Etats membres de traiter les questions relatives au possible contournement des sanctions » décidées par le Conseil de sécurité, a seulement affirmé le porte-parole.

Face à ce qui s’apparente à une fin de non-recevoir de la part du secrétariat général des Nations unies, l’ambassadeur de la RPDC a tenu une conférence de presse le lendemain 21 mai au siège de l'Organisation à New York, un événement rare.

Kim Song, ambassadeur de la RPDC auprès des Nations unies, pendant sa conférence de presse, le 21 mai 2019 à New York (photo : ONU)

 

Au cours de cette conférence de presse, l'ambassadeur Kim a déclaré que la RPDC « observera avec attention chacun des mouvements des Etats-Unis » et a averti que ces derniers « devraient réfléchir aux conséquences que cet acte scandaleux [la saisie du cargo Wise Honest] pourrait avoir sur les développements futurs ».

Le représentant nord-coréen a ajouté que la RPDC condamne « dans les termes les plus forts » la saisie du navire car « c'est un produit de la politique hostile extrême des Etats-Unis contre la RPDC ».

« Des sanctions unilatérales et une application extraterritoriale de la juridiction nationale d'un pays tiers ne peuvent être aucunement justifiées, notamment par la loi internationale », a-t-il répété.

La saisie d'un cargo est en ligne avec la stratégie d'« étranglement économique » de la RPDC, théorisée, entres autres et depuis longtemps, par John Bolton, actuel conseiller à la sécurité nationale du Président Trump. Dans un contexte de blocage des négociations entre la RPDC et les Etats-Unis sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne suite à l'échec du sommet de Hanoï des 27 et 28 février 2019, l'affaire du Wise Honest rend plus incertaine une reprise rapide des pourparlers entre Washington et Pyongyang, et en rappelle une autre : le blocage d'avoirs nord-coréens dans une banque de Macao en septembre 2005, à la demande des Etats-Unis, sur des accusations bancales, de l'avis même d'experts occidentaux reconnus de ces questions, de blanchiment d'argent. Cette action américaine hostile intervenait immédiatement après - et malgré - la signature d'un important accord aux pourparlers à six pays sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Les avoirs de la RPDC avaient finalement été débloqués au printemps 2007, mais un an et demi avait été perdu dans le règlement de la crise coréenne. La frange la plus belliqueuse de l'administration américaine qui était alors à la manœuvre semble l'être encore aujourd'hui.

 

Sources :

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