Le 12 décembre 2018, des représentants des armées nord et sud-coréenne ont franchi la ligne de démarcation militaire (LDM) séparant la Corée du Nord et la Corée du Sud pour visiter les postes de garde situés de l'autre côté. Ces visites étaient destinées à vérifier la fermeture et la démolition de postes de garde dans la zone démilitarisée (DMZ) conformément à l'Accord militaire global conclu par les deux parties le 19 septembre. C'était la première fois depuis la signature de l'Accord d'armistice en Corée, le 27 juillet 1953, que la Corée du Nord et la Corée du Sud menaient des inspections l'une chez l'autre. Plusieurs observateurs des questions coréennes estiment que ces inspections réciproques sont le signe d'une élévation significative du niveau de confiance entre les armées des deux Corée.
Suivant les dispositions fixées dans l'annexe 1 de l'Accord du 19 septembre 2018 sur l'application de la Déclaration de Panmunjom dans le domaine militaire (dit Accord militaire global), la Corée du Nord et la Corée du Sud ont démantelé à partir de novembre 2018 vingt postes de garde (dix de chaque côté). L'inspection du 12 décembre avait pour but de vérifier que les postes de garde ont bien été détruits. Sur les onze postes de garde initialement voués à la destruction de chaque côté, les deux parties sont convenues d'en garder chacune un pour sa valeur historique, lequel sera seulement désarmé.
Au total, onze équipes de sept personnes (cinq inspecteurs et deux photographes), chargées de visiter chacune un poste de garde, ont été mobilisées de chaque côté de la ligne de démarcation militaire, soit 154 militaires en tout (77 pour le Nord et 77 pour le Sud).
Pendant les dix premiers jours de décembre, la Corée du Nord et la Corée du Sud ont déminé la DMZ pour y faire passer des chemins reliant les postes de garde nord et sud-coréens, rendant possible les inspections mutuelles. Onze chemins entre le Nord et le Sud sont donc apparus dans la DMZ, chemins qu'ont parcourus les soldats nord et sud-coréens pour inspecter les postes de garde situés de l'autre côté.
Le 12 décembre 2018 à 9h, les inspecteurs militaires sud-coréens, en uniforme, se sont donc rendus au point de rendez-vous fixé sur la LDM, équipés de caméras et de divers appareils de contrôle. Les soldats nord-coréens les y attendaient pour les guider vers les postes de garde du côté nord.
Soldats de Corée du Nord et de Corée du Sud en inspection conjointe dans la zone démilitarisée séparant les deux Corée, le 12 décembre 2018
Les inspecteurs sud-coréens ont commencé par confirmer que les armes à feu, les équipements et les soldats avaient été retirés des postes de garde nord-coréens et que toutes les installations en surface, dont les postes d'observation et de tir, avaient été démantelées. Ils ont également vérifié que les installations souterraines, y compris les passages et les entrées, avaient été condamnées et détruites. Aux postes de garde que les deux parties ont accepté de conserver, les inspecteurs ont vérifié que les soldats et les armes à feu avaient été correctement retirés et que les postes avaient été rendus inutilisables. Les inspecteurs sud-coréens ont même eu recours à des équipements tels que des radars pénétrant le sol et des caméras endoscopiques pour s'assurer que les installations souterraines des postes de garde nord-coréens avaient été correctement éliminées.
De l'aveu même des inspecteurs sud-coréens, les soldats nord-coréens ont activement coopéré, sans montrer la moindre réticence. L'atmosphère était même amicale, les soldats nord et sud-coréens s'offrant des cigarettes, une scène à peine concevable jusqu'à présent.
Dans l'après-midi du 12 décembre, c'était au tour des équipes d'inspecteurs nord-coréens de se rendre au sud de la LDM pour y effectuer les mêmes tâches. Durant sa vérification, le Nord a donné des évaluations sur place « positives ».
Au sujet de ces inspections réciproques, le ministère sud-coréen de la Défense nationale a reconnu qu'elles sont « un cas extrêmement rare dans l'histoire du contrôle international des armements ».
Assistant à une retransmission en direct de l'inspection sur le terrain au Centre de gestion des crises de la Maison-Bleue (le siège de la présidence sud-coréenne), le Président Moon Jae-in a déclaré : « La fermeture des postes de garde et les inspections mutuelles constituent en elles-mêmes un nouveau chapitre des 65 ans d'histoire de la division de la péninsule coréenne entre nord et sud. Les soldats de la Corée du Sud et de la Corée du Nord ont marché le long des sentiers qu'ils ont tracés dans la DMZ, laquelle était autrefois le lieu d'une confrontation militaire tendue, et ils ont fermé et inspecté en toute transparence les postes de garde qui étaient une part de ce conflit – deux choses qui étaient auparavant inimaginables. »
Toujours le 12 décembre, le ministère sud-coréen de la Défense nationale a annoncé que « le Sud et le Nord examinent l'idée de créer un bureau de liaison dans la DMZ, destiné à soutenir l'effort conjoint en vue de récupérer les dépouilles de soldats disparus au combat ou prisonniers de guerre qui prendra place entre avril et octobre [2019] », prévu dans l'annexe 3 de l'Accord militaire global du 19 septembre. On s'attend donc à ce que les deux parties utilisent le bureau de liaison pour mener à bien l'identification des dépouilles retrouvées.
Au terme de l'analyse des résultats des vérifications effectuées sur le terrain, Suh Wook, directeur en chef de l'opération du Comité des chefs d'état-major interarmées de Corée du Sud a déclaré le 17 décembre que, « en conclusion, les deux parties ont confirmé via la vérification sur le terrain qu'elles ont fidèlement appliqué l'accord de retrait de postes de garde à titre d'essai comme stipulé dans l'accord du 19 septembre ».
Outre le retrait des postes de garde et la récupération de dépouilles de soldats dans la zone démilitarisée, l'Accord militaire global du 19 septembre prévoit de démilitariser la Zone de sécurité commune de Panmunjom et d'établir une zone maritime de paix et une zone pilote de pêche commune en mer de l'Ouest (mer Jaune). Autant de mesures de nature à réduire la tension militaire et à édifier la confiance dans la péninsule coréenne, et figurant en bonne place dans le projet de traité de paix en Corée rédigé dès 2008 par des juristes sud-coréens, relayé par l'Association d'amitié franco-coréenne et ayant fait l'objet d'une proposition de résolution à l'Assemblée nationale française le 13 octobre 2010.
Sources :
commenter cet article …