La visite du secrétaire d'Etat Mike Pompeo à Pyongyang - après le sommet de Sentosa du 12 juin 2018 entre les dirigeants nord-coréen et américain - s'était déjà soldée par un semi-échec, avant que le Président Donald Trump n'annule un nouveau déplacement au nord de la Corée de son secrétaire d'Etat fin août - en raison, selon lui, du manque de progrès dans la dénucléarisation de la République populaire démocratique de Corée. Mais depuis le dialogue bilatéral a repris au plus haut niveau, avec une nouvelle rencontre à Pyongyang entre le Président Kim Jong-un et Mike Pompeo, le 7 octobre 2018. Ce réchauffement s'explique largement par les nouveaux gestes de bonne volonté accomplis par les Nord-Coréens : alors que la parade militaire du 9 septembre 2018, pour les 70 ans de la fondation de la RPDC, a évité de mettre en avant les missiles balistiques et les avancées du programme nucléaire, la visite à Pyongyang du président sud-coréen Moon Jae-in du 18 au 20 septembre 2018 a consacré de nouveaux engagements du Président Kim Jong-un : aux termes de la déclaration commune du 19 septembre 2018, "le Nord a exprimé son intention de continuer à prendre des dispositions supplémentaires, telles que celles concernant la suppression perpétuelle des installations nucléaires de Nyongbyon, si les Etats-Unis prennent les mesures correspondantes selon l’esprit de la déclaration conjointe du 12 Juin RPDC-USA".
En termes diplomatiques, cela s'appelle un échange approfondi, visant à mettre sur la table tous les sujets de désaccord pour poser les termes de la discussion : le 7 octobre 2018, Mike Pompeo a rencontré pendant cinq heures et demie (deux réunions de deux heures avant et après le déjeuner, et un déjeuner d'une heure et demie) le dirigeant Kim Jong-un. sauf pendant le déjeuner, le président de la Commission des Affaires d'Etat de la République populaire démocratique de Corée n'était accompagné que de sa sœur, Kim Yo-jong - témoignant ainsi de son implication personnelle sur le dossier des relations avec Washington.
D'après la dépêche de l'agence nord-coréenne KCNA, les discussions ont porté sur la mise en œuvre de la déclaration du 12 juin 2018, les "propositions" de Pyongyang pour "résoudre la question de la dénucléarisation" et en ce qui concerne "des sujets d'intérêt commun", et enfin l'organisation d'un second sommet avec le Président Donald Trump - dont la date et le lieu restent à fixer. Un autre site que Singapour semble probable.
Le secrétaire d'Etat Mike Pompeo a ensuite rendu compte de ces échanges, qu'il a qualifiés de "productifs", à Séoul, avant de prendre le chemin de Pékin. Selon le président sud-coréen, il est prévu un déplacement à Moscou du Président Kim Jong-un (témoignant ainsi de la volonté nord-coréenne de rehausser le statut de la Russie comme un des partenaires privilégiés de Pyongyang, après ses visites du printemps en Chine), ainsi qu'une visite à Pyongyang du président chinois Xi Jinping (qui serait donc le premier chef d'Etat non coréen à se rendre au Nord depuis l'accession du Président Kim jong-un aux plus hautes fonctions du Parti et de l'Etat), tandis qu'est envisagé un sommet entre le Japon et la RPD de Corée. Ce dernier point est probablement le plus compliqué à mettre en œuvre, au regard de la position intransigeante de Tokyo sur la question coréenne, y compris en ce qui concerne les droits de la minorité coréenne qui réside au Japon. Mais la RPD de Corée avait là aussi fait le premier pas lors des cérémonies de célébration de la fondation de la République, le 9 septembre 2018, en évitant notamment les allusions trop marquées à la colonisation japonaise.
En renonçant unilatéralement, à ce stade, à exiger des engagements contraignants de Pyongyang (qu'il s'agisse d'un calendrier de dénucléarisation ou d'une liste des armes nucléaires nord-coréennes), les Etats-Unis ont contourné les points de blocage à un approfondissement du dialogue avec Pyongyang. Mais ils doivent aussi, à présent, mettre sur la table d'autres propositions que la suspension des manœuvres militaires avec la Corée du Sud, alors que la Corée du Nord a précisé que la conclusion formelle d'un traité de paix ne pouvait pas constituer la contrepartie à sa dénucléarisation. Garanties de sécurité, contreparties économiques (à commencer par la levée des sanctions), établissement de relations diplomatiques (à un niveau à préciser) : l'éventail de ce qu'attend Pyongyang est large. Reste à savoir ce que Washington est prêt à accorder, suivant le principe d'une démarche "action pour action" où la confiance mutuelle s'établit lorsque chacune des deux parties accomplit un pas vers l'autre. Mike Pompeo a d'ailleurs reconnu le bien-fondé de la démarche, en déclarant qu'un nouveau "pas" avait été effectué - un pas qui, selon nous, conduit plus avant sur la voie du désarmement, de la paix, de la prospérité et de la sécurité collective.
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