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30 septembre 2018 7 30 /09 /septembre /2018 09:31

Du 4 au 13 septembre 2018, une délégation de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a visité la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), à l'invitation du Comité coréen pour les relations culturelles avec les pays étrangers, dans le contexte de la célébration du 70e anniversaire de la fondation de la RPD de Corée, proclamée le 9 septembre 1948. Pour l'organisation de leur visite, les participants remercient tout particulièrement Mme Jong Un-a, secrétaire générale de l'Association d'amitié Corée-France. Alors que ce déplacement prenait place dans un contexte diplomatique nouveau, marqué par l'amorce d'un dialogue direct américano - nord-coréen au plus haut niveau et avant un nouveau sommet inter-coréen à Pyongyang, du 18 au 20 septembre 2018, l'AAFC a interrogé Benoît Quennedey et Patrick Kuentzmann, respectivement président et secrétaire général de l'AAFC, qui faisaient partie de la délégation de l'AAFC.

AAFC - Les commémorations ont compris notamment une parade civile et militaire, une nouvelle représentation des jeux de gymnastique de masse, et une parade aux flambeaux. Que doit-on retenir de ces cérémonies, sur la forme et sur le fond ?

Benoît Quennedey - Les représentations de gymnastique de masse sont devenues l'une des expressions de l'identité de la République populaire démocratique de Corée, en constituant le plus grand spectacle vivant au monde - même s'il a également des équivalents dans d'autres pays, notamment en Asie de l'Est. La longue préparation des spectacles de masse, pendant plusieurs mois, avec la participation de nombreux citoyens de la ville de Pyongyang, est l'expression de la primauté du collectif sur l'individu dans la société fortement empreinte de tradition confucéenne, qui se réclame aujourd'hui du socialisme, qu'est la Corée du Nord. La parade militaire n'est pas, en revanche, propre à la RPD de Corée : la France a aussi son défilé du 14 juillet, le jour de la fête nationale, pour ne citer que notre pays... Cette année, les exercices de voltige des avions militaires avaient gagné en précision et en dextérité, alors qu'il s'agit d'appareils peu adaptés à ce type de prouesses - comme un signal des capacités de défense aérienne du pays, qui subit des menaces militaires d'abord aériennes. Enfin, la parade aux flambeaux et surtout le spectacle de gymnastique de masse ont encore fait progresser la République populaire démocratique de Corée dans une maîtrise totale de ce type de spectacle à nul autre pareil au monde... Toujours sur la forme, j'observe que les apparitions publiques du Président Kim Jong-un auxquelles nous avons assisté ont été moins nombreuses qu'en 2012 (seulement deux : lors de la parade civile et militaire et pour l'inauguration du spectacle de gymnastique de masse), et que cette année il ne s'est pas exprimé publiquement. Il ne s'agit pas à mon sens d'un retrait, mais de la volonté de rappeler que l'exercice du pouvoir en RPD de Corée repose sur un collectif. Je laisse toutefois le soin à Patrick Kuentzmann, "vétéran" de l'AAFC quant au nombre de visites effectuées depuis 2005 (personnellement, je me rendais à Pyongyang pour la huitième fois depuis 2005), de détailler les évolutions sur le fond de ces manifestations officielles, qui ont dominé la couverture médiatique des cérémonies en dehors de la Corée - notamment de la part des différents médias français présents (TF1, France Télévisions, Le Monde, Europe 1...).

Quelques tableaux du spectacle de gymnastique de masse "Le Glorieux pays" (photos : KCNA)

Patrick Kuentzmann - C'était ma dixième visite (depuis 2005) en République populaire démocratique de Corée. Les manifestations officielles étaient, comme d'habitude en RPD de Corée, parfaitement organisées. En revanche, le message transmis à l'occasion de ces manifestations était nouveau, et peut même être considéré comme un message de paix adressé au monde, et aux Etats-Unis en particulier. D'abord, la parade militaire du 9 septembre ne présentait aucun missile, de courte, moyenne ou longue portée, et faisait la part belle aux armements défensifs, surtout anti-aériens. Le message était donc clair : la RPD de Corée, si elle reste bien décidée à se défendre, veut avancer dans ses négociations avec les Etats-Unis sur ses programmes nucléaire et balistique. Le défilé civil qui a immédiatement suivi le défilé militaire était particulièrement imposant, mettant l'accent sur le développement économique, avec la participation de tous les corps sociaux et professionnels du pays : femmes, étudiants, infirmiers, sportifs, scientifiques, etc. Là encore, aucune allusion au nucléaire, fût-il civil, ou même à la conquête spatiale, alors que la RPD de Corée se montrait jusque là très fière des progrès accomplis dans ce domaine. Mais la présentation d'une fusée spatiale aurait pu être mal interprétée, et les Coréens ont donc préféré s'abstenir. On peut voir dans cette prudence un signe supplémentaire de la bonne volonté des Coréens dans leurs négociations en cours avec les Etats-Unis, et espérer que ces derniers fassent preuve d'autant de sagesse. Il n'y a eu aucune allusion non plus aux programmes nucléaire et spatial dans le spectacle de gymnastique de masse, intitulé "Le Glorieux pays", où les différents tableaux ont mis l'accent sur le développement économique, mais aussi sur la coopération internationale et sur le dialogue intercoréen. Un des tableaux présentait même le film de la rencontre du 27 avril 2018 entre le dirigeant Kim Jong-un et le président sud-coréen Moon Jae-in, déclenchant les applaudissements du public présent dans le stade du Premier-Mai. Quelque chose de proprement inédit, inenvisageable il y a encore quelques mois. Le ressenti face à tous ces éléments est que l'évolution positive des relations entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, d'une part, entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, d'autre part, est quelque chose de profond pouvant aboutir à un apaisement durable dans cette région du monde.

Parade militaire et civile du 9 septembre 2018 à Pyongyang (photos : KCNA)

AAFC - La délégation de l'AAFC a aussi participé à des rencontres internationales avec les associations d'amitié avec la Corée. Quel message a plus particulièrement délivré l'AAFC lors de ces manifestations ? 

PK - Les manifestations à l'occasion des grands anniversaires de la RPD de Corée sont aussi l'occasion de réunir les associations d'amitié avec la Corée venues du monde entier. Cette année, une réunion était plus particulièrement consacrée aux échanges d'expérience des différentes associations. Dans son exposé, le président de l'Association d'amitié franco-coréenne a fait part des actions récentes de l'association dans divers domaines (voir exposé ci-dessous). Le message principal qu'on peut en retenir est que l'amitié avec la RPD de Corée, et la Corée en général, passe par un soutien au dialogue intercoréen, impliquant lui-même de soutenir le mouvement pro-réunification, au Nord comme au Sud, en étant, entre autres, solidaire avec les militants réprimés au nom de l'anachronique (plus que jamais) loi sud-coréenne dite de sécurité nationale. Envisager la question coréenne dans sa globalité est une la ligne constante de l'Association d'amitié franco-coréenne.

Préparation de l'intervention de Benoît Quennedey, président de l'AAFC, avant la réunion des associations d'amitié le 11 septembre 2018 à Pyongyang (photo : AAFC)

BQ - Soutenir par des déclarations la paix et la réunification en Corée est nécessaire, mais pas suffisant : la particularité de l'AAFC, du moins parmi les associations d'amitié basées en Europe, est d'être structurée dans les régions françaises, de prendre toute notre place dans des manifestations qui ont rassemblé à Paris jusqu'à 800 personnes (pour obtenir le départ de la présidente conservatrice sud-coréenne Park Geun-hye), et de ne jamais négliger l'importance de promouvoir la connaissance de la langue et de la culture coréennes - y compris dans les coopérations que nous avons initiées, en particulier dans le domaines universitaire (architecture, mathématiques fondamentales...). Nous avons aussi participé à la mise en place, à Paris, du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD), pour lutter contre la répression politique et favoriser la pleine démocratisation de la République de Corée. Outre la présentation des activités de l'AAFC que j'ai été amenée à faire à Pyongyang, je relève que, lors d'une marche pour la paix, la banderole de l'AAFC était la première du cortège après celle du cortège de tête (ne mentionnant aucune association en particulier). J'y vois le signe d'une reconnaissance, par nos homologues coréens, du rôle joué par l'Association d'amitié franco-coréenne dans le mouvement de solidarité internationale.

Délégation de l'AAFC participant à la marche internationale pour la paix, la prospérité et la réunification de la Corée le 11 septembre 2018 à Pyongyang (photo : AAFC)

AAFC - La délégation de l'AAFC a eu un entretien avec M. So Ho-won, président de l'Association d'amitié Corée-France et vice-président du Comité coréen de solidarité avec les peuples du monde. Quels sujets ont été abordés lors de cette rencontre ?

PK - Le président de l'Association d'amitié Corée-France a exprimé à nouveau ses remerciements pour tout ce qu'a fait l'Association d'amitié franco-coréenne depuis près de 50 ans. Il est notamment revenu sur la conférence organisée à Paris en juin 2017, un événement qui a apparemment marqué nos amis coréens. A cet égard, il est significatif que le Comité des relations culturelles avec les pays étrangers, qui chapeaute toutes les associations d'amitié entre la RPD de Corée et les autres pays, ait prévu une réunion consacrée aux échanges d'expérience entre associations d'amitié, puisque l'échange d'expérience était précisément un des points figurant dans la déclaration finale de la conférence de Paris. Et puisque l'Association d'amitié fêtera son cinquantième anniversaire en octobre 2019, nous avons convenu de la venue en France d'une délégation de notre association homologue coréenne pour participer à la célébration de ce cinquantenaire.

BQ - Lors de la rencontre avec M. So Ho-won, j'ai aussi souligné la diversité professionnelle et d'origine géographique des membres qui composaient la délégation de l'AAFC présente lors des cérémonies, ainsi que les visites régulières en RPD de Corée d'autres membres de l'AAFC : dans le cadre d'un accueil universitaire de plusieurs mois ce printemps, au sein d'une délégation spécialisée dans le tennis de table en juillet 2018 et, quelques jours après le retour en France de la délégation, à l'occasion du Festival international du film de Pyongyang (PIFF). Chacune de ces participations est l'occasion de promouvoir concrètement les coopérations franco-coréennes. L'occasion a aussi été donnée de parler des activités futures de l'AAFC, dont effectivement l'accueil d'une délégation du Comité coréen des relations culturelles avec les pays étrangers en France (idéalement, à Paris et dans l'un des comités régionaux de l'AAFC) dans un peu plus d'un an, et qui pourra aussi être l'occasion d'une nouvelle conférence internationale sur la Corée, après celle de juin 2017 que nous avions organisée à Paris.

M. So Ho-won, président de l'Association d'amitié Corée-France, et Mme Jong Un-a, secrétaire générale de l'Association d'amitié Corée France, le 5 septembre 2018 à Pyongyang (photo : AAFC)

AAFC - Le programme de visites de la délégation comportait aussi, à sa demande, des rencontres plus spécifiques - avec l'Université d'architecture et des matériaux de construction de Pyongyang (PUA), le ministère de la Sécurité de la construction et l'usine de panneaux solaires de Pyongyang. Comment l'AAFC a-t-elle pu, dans ces différents domaines, faire progresser la coopération franco-coréenne ? On retient aussi que la défense de l'environnement et la sécurité des travailleurs ne sont pas seulement des slogans...

BQ - Des rencontres avec la PUA ont lieu à l'occasion de chacune des visites de délégations de l'AAFC en RPD de Corée depuis avril 2012 : outre des donations de matériel scientifique (tandis que des demandes ont été à nouveau formulées par nos interlocuteurs dans d'autres domaines, comme l'architecture paysagère), il s'agit de connaître les attentes des Coréens pour les mettre en contact avec des homologues français. Une délégation européenne pluridisciplinaire de spécialistes de la Corée, composée notamment d'architectes et d'urbanistes, s'est ainsi rendue en RPD de Corée à l'automne 2013, et cette coopération se poursuit depuis cette date (accueil d'universitaires nord-coréens en France et français en Corée du Nord).

Un des membres de la délégation étant chef d'entreprise dans le secteur du BTP, nous avons souhaité savoir quelle était la politique nord-coréenne en matière de sécurité des travailleurs : nous avons ainsi pu avoir une discussion ouverte sur les causes et les conséquences du dramatique effondrement d'un immeuble dans le quartier de Pyongchon, à Pyongyang, en 2014 : était en cause la mauvaise qualité de matériaux de construction (en l'occurrence, du ciment), d'origine chinoise et qui n'avait pas été vérifiée par les organismes compétents du ministère... Le fait que la sécurité de la construction soit désormais un ministère à part entière depuis 1996 atteste d'une préoccupation réelle, même si nos interlocuteurs sont conscients des progrès qui restent à accomplir : ils ont été désireux de disposer des normes françaises en la matière. Enfin, les préoccupations environnementales sont apparues très présentes : l'objectif est de parvenir à une autosuffisance en énergie des bâtiments à hauteur de 50 %.

Rencontre des membres de la délégation de l'AAFC avec les professeurs de l'Université d'architecture et des matériaux de construction de Pyongyang le 5 septembre 2018 (photo : AAFC)

La défense de l'environnement a été encore plus marquée lors de la visite de l'usine de panneaux solaires de Mokran Kwangmyong, à Pyongyang, que nous avions spécifiquement demandée : aujourd'hui, environ 50 % des panneaux solaires du pays proviennent d'une production propre, à l'usine de Pyongyang, créée en 2011 et toujours en cours d'agrandissement, ainsi que dans trois autres usines (situées, pour l'une d'entre elles, à Nampo, et pour deux autres dans la province du Hwanghae du Sud). Il n'y a rien d'exceptionnel qu'un pays sous embargo (y compris énergétique) développe ses propres capacités d'énergie ; ce qui est plus original est que l'essor des énergies renouvelables constitue une priorité pour le développement du pays, affirmée au plus haut niveau de l'Etat, et qui repose tant sur des capacités d'innovation que sur l'accumulation primitive de capitaux permettant une diversification des activités (l'usine de Mokran Kwangmyong était initialement spécialisée dans la production de DVD, où elle se positionne d'ailleurs en leader sur le marché nord-coréen, tout en développant par ailleurs une recherche dans le secteur de l'éolien).

Usine de panneaux solaires de la compagnie Mokran Kwangmyong à Pyongyang le 12 septembre 2018 (photo : AAFC) 

AAFC - La délégation française a aussi fait une donation à la Foire internationale du livre scientifique et technique...

PK -  A l'occasion de la Foire internationale du livre scientifique et technique, qui avait lieu au complexe des sciences et techniques de Pyongyang, l'Association d'amitié franco-coréenne a donné des livres, sous format papier et électronique, exposés sur le stand des associations d'amitié. Des éditeurs étrangers, surtout russes et chinois (Chine continentale et Taïwan), étaient aussi présents. Il faut noter que trois gouvernements étrangers disposaient de leur propre stand pour y exposer des livres sur leur pays : le Nigéria, le Laos et la Roumanie. La Roumanie était donc la digne représentante de la culture latine, la France, qui a ouvert en 2011 un bureau dévolu aux affaires humanitaires et culturelles à Pyongyang, n'ayant pas jugé utile d'exposer à la Foire du livre. Cet investissement (minime) n'aurait pourtant pas été de trop, alors que l'apprentissage du français est en perte de vitesse et que des perspectives nouvelles se dessinent dans cette partie du monde. A moins que les autorités françaises considèrent que la culture française est un produit de luxe entrant dans le champ des sanctions internationales décrétées par la "communauté internationale" à l'encontre de la Corée du Nord.

Inauguration de la Foire internationale du livre scientifique et technique au Complexe des sciences et techniques de Pyongyang le 10 septembre 2018 (photos : AAFC)

AAFC - Le programme du déplacement comporte aussi  des visites permettant de disposer d'un aperçu sur la vie économique et sociale : école normale de Pyongyang, institut d'ophtalmologie, usine textile Kim Jong-suk... Où en est la Corée du Nord ?

BQ - L'école normale de Pyongyang que nous avons visitée a mis l'accent sur le développement de technique modernes d'apprentissage, tant en ce qui concerne les moyens matériels (avec un recours à l'imagerie 3D) que les méthodes (les futurs enseignants étant placés en position interactive avec les élèves, alors que l'enseignement en Corée est traditionnellement très vertical, les élèves recevant les connaissances des enseignants).

Ecole normale de Pyongyang le 11 septembre 218 (photos : AAFC)

Ce qu'il faut retenir de ces visites est que le pays, en dépit des sanctions (à moins que la production intérieure et l'innovation ne soient stimulées par les sanctions ?), continue son processus de modernisation : c'est patent dans le cas de l'usine de textile Kim Jong-suk, si l'on compare avec la visite qu'y avait effectuée une autre délégation de l'AAFC une dizaine d'années plus tôt (diversification de la production, automatisation accrue, même si le travail s'effectue toujours en deux équipes de huit heures, traduisant le manque continu d'énergie pour un fonctionnement des usines à plein rendement), ainsi que dans la mise en place de nouvelles infrastructures collectives, en particulier dans le secteur prioritaire de la santé (avec la visite, pour la première fois cette année, de l'institut d'ophtalmologie). A cet égard, j'ai obtenu la confirmation que la médecine moderne (dite occidentale) est combinée avec la médecine traditionnelle, si décriée en Occident où le poids du lobby pharmaceutique  a contribué au discrédit des médecines dites alternatives. 

Usine textile Kim Jong-suk de Pyongyang le 7 septembre 2018 (photos : AAFC)

Supermarché Potonggang de Pyongyang le 7 septembre 2018 (photo : AAFC)

AAFC - Vous avez aussi eu l'occasion sur place de rencontrer la délégation française conduite par Yann Moix et dont faisait partie Gérard Depardieu...

BQ - La première fois que j'ai pu apercevoir la délégation dont faisait partie Gérard Depardieu, une nuée de journalistes et de curieux s'est précipitée sur lui. D'une voix de stentor il a écarté tout ce petit monde - il m'expliquera ensuite qu'un coup de gueule permet d'éloigner les importuns. Je ne parle pas des autres invités - il est d'un abord extrêmement facile et chaleureux, extrêmement curieux de connaître et de comprendre d'autres cultures - mais d'une certaine presse, qui le dézingue systématiquement, et à qui il rend bien le mépris qu'elle lui oppose.

PK - Toutes les délégations étrangères étant logées dans le même hôtel, le Yanggakdo, nous avons effectivement eu l'occasion de rencontrer la délégation conduite par Yann Moix, avec Gérard Depardieu. Prendre son petit-déjeuner, le plus naturellement du monde, avec un des plus grands acteurs français est un moment privilégié et une expérience originale qui ne peut advenir qu'en Corée. Un moment marquant de plus au milieu de toutes les festivités auxquelles nous avons pu assister ! Yann Moix prévoit de réaliser un film sur Depardieu en Corée du Nord - à moins qu'il s'agisse d'un film sur la Corée du Nord visitée par Depardieu -, l'un et l'autre fêtant cette année leur soixante-dixième anniversaire.

AAFC - Enfin, nous avons cru comprendre que le transit par Pékin n'a pas été exempt de complications. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

PK - Il faut ici entrer dans les subtilités du règlement chinois sur l'immigration. Les ressortissants de certains pays, dont la France, peuvent séjourner sans visa à Pékin, à condition d'arriver à l'aéroport international de Pékin et de repartir de ce même aéroport dans les 144 heures vers un pays tiers. On ne peut donc pas bénéficier de cette mesure si on fait la moindre escale en Chine avant d'arriver à Pékin, et il faut alors un visa en bonne et due forme. En 2015, pour avoir mal compris ce point du règlement, certains membres de l'AAFC, qui avaient fait une escale de seulement quelques heures à Kunming pendant leur trajet vers Pékin d'où ils devaient repartir au bout de 48 heures pour Pyongyang, se sont retrouvés, en toute bonne foi, sans titre de séjour valable et ont dû payer une amende au moment de leur départ vers la Corée. On aurait pu en rester là et, d'ailleurs, ces mêmes personnes n'ont eu aucun problème en 2017 pendant leur transit par Pékin. Mais cette année, le service chinois de l'immigration s'est souvenu de l'incident de 2015, et les personnes concernées se sont vu interdire l'entrée en Chine à l'aéroport de Pékin. Elles ont donc été accompagnées jusqu'à l'embarquement du vol pour Pyongyang, mais sans leurs bagages déjà débarqués en Chine. Les bagages ont été livrés plusieurs jours après à Pyongyang, non sans l'intervention - insistante - de la compagnie nord-coréenne Air Koryo auprès des autorités chinoises. Les membres d'autres délégations étrangères venus en Corée en passant par Pékin ont subi le même sort. A quelque chose malheur est bon puisque cette mésaventure a permis de mesurer le dévouement de nos amis coréens, cherchant à régler au plus vite cette affaire. Elle a aussi été l'occasion d'une séance mémorable de shopping à Pyongyang, au milieu de Coréens amusés, pour reconstituer une partie du contenu des bagages "perdus". Enfin, elle a permis de tester l'efficacité du service consulaire de l'ambassade de République populaire de Chine à Pyongyang, puisque, même pour un transit de quelques heures à Pékin, il a fallu y effectuer les démarches pour demander un visa chinois afin d'éviter de connaître le même genre d'ennui au retour.

AAFC - Merci Patrick Kuentzmann et Benoît Quennedey.

Quartier Ryomyong de Pyongyang (rénové en 2017), le 12 septembre 2018 (photo : AAFC)

Programme de la délégation de l'Association d'amitié franco-coréenne en République populaire démocratique de Corée du 4 au 13 septembre 2018

Mardi 4 septembre 2018

Arrivée en Corée

Mercredi 5 septembre 2018

10h : rencontre avec M. So Ho-won, président de l'Association d'amitié Corée-France

11h : rencontre avec le ministère de la Sécurité de la construction

14h30 : visite du Musée de la victoire dans la guerre de libération de la patrie

16h30 : visite du métro

18h30 : rencontre avec les professeurs de l'Université d'architecture et des matériaux de construction de Pyongyang

Jeudi 6 septembre 2018

8h : départ pour Kaesong

10h30 : visite de Panmunjom, dans la zone démilitarisée

12h30 : déjeuner traditionnel coréen

14h : visite du Musée de Koryo

16h : retour à Pyongyang

Vendredi 7 septembre 2018

9h30 : visite du Musée de la révolution coréenne

11h : visite de l'usine textile Kim Jong-suk

14h30 : visite du quartier sportif de la rue Chongchun

16h : visite du centre de tir Meari

17h30 : visite du supermarché Potonggang

Samedi 8 septembre 2018

8h : grand monument de Mansudae

9h : réunion internationale des participants aux cérémonies du 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée

11h : visite de Mangyongdae, maison natale du Président Kim Il-sung

15h : visite du Musée national des cadeaux

18h30 : banquet pour les participants aux cérémonies du 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée

20h : concert

Dimanche 9 septembre 2018

9h : défilé militaire et parade civile

20h : spectacle de gymnastique de masse

Lundi 10 septembre 2018

Deux programmes alternatifs le matin pour les membres de la délégation de l'AAFC

10h : Cérémonie d'ouverture de la Foire internationale des livres scientifiques et techniques

ou 9h30 : tour aux idées du Juche

10h30 : arc de triomphe

11h : exposition artistique Wolhyang

14h30 : centre informatique de musique Hana

15h40 : exposition de timbres

20h : défilé aux flambeaux

Mardi 11 septembre 2018

10h : marche internationale pour la paix, la prospérité et la réunification de la Corée

14h30 : école normale de Pyongyang

16h : réunion des associations d'amitié avec la Corée

18h30 : banquet pour les donateurs à la la Foire internationale des livres scientifiques et techniques

Mercredi 12 septembre 2018

9h30 : usine de panneaux solaires de la compagnie Mokran Kwangmyong

15h : hôpital ophtalmologique de Ryukong

16h : exposition de produits artisanaux

19h : visite de la rue Ryomyong et dîner en ville

Jeudi 13 septembre 2018

Départ pour Pékin
 

Intervention de Benoît Quennedey, président de l'AAFC,
lors d'un échange-discussion entre associations d'amitié sur leurs activités
(hôtel Yanggakdo, Pyongyang, 11 septembre 2018)

Au nom de l'Association d'amitié franco-coréenne, permettez-moi tout d'abord de remercier le Comité coréen pour les relations culturelles avec les pays étrangers pour accueillir notre délégation, et de féliciter le Maréchal Kim Jong-un pour le 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée.

Mon propos répondra à une question simple : quel peut être le rôle d'une association d'amitié ? Les exemples que je développerai sont fondés sur l'expérience de l'Association d'amitié franco-coréenne, créée en 1969, mais je tiens également à saluer la diversité et la richesse des actions conduites par les associations d'amitié de par le monde, ici représentées : nous en avions d'ailleurs rendu compte lors d'une conférence internationale pour la paix et la réunification en Corée, organisée par l'AAFC et qui s'était tenue à Paris les 23 et 24 juin 2017, à une date qui coïncidait avec le 40e anniversaire de la fondation du Comité international de liaison pour la paix et la réunification en Corée (CILRECO) en 1977. Guy Dupré, président d'honneur de l'AAFC et secrétaire général du CILRECO, s'est engagé inlassablement depuis plus de quarante ans dans les actions de solidarité internationale avec la Corée, en France et dans le monde : que son dévouement exemplaire soit ici salué à sa juste mesure !

Dès sa fondation, l'AAFC s'est ainsi attachée à faire connaître la réalité de la situation dans la péninsule coréenne en réunissant des personnalités issues d'horizons politiques très divers : communistes, socialistes, gaullistes, chrétiens, radicaux... Nous avons compté dans nos rangs des ambassadeurs de France, comme André Lewin, d'anciens ministres, tels que le gaulliste Louis Terrenoire qui a présidé l'AAFC, et d'anciens parlementaires, comme André Aubry, aujourd'hui président d'honneur de l'AAFC, et Bernard Hugo, vice-président. Aujourd'hui encore, l'AAFC peut s'enorgueillir de compter parmi ses membres des élus en fonctions, des universitaires, des chefs d'entreprise, des étudiants... il s'agit de représenter la société française dans toute sa diversité, pour en sensibiliser les différentes composantes. En 2017 et 2018, nous avons ainsi pu nous exprimer dans de nombreux médias français ou étrangers en France : des chaînes d'information continue françaises et étrangères, des quotidiens nationaux, ou encore des journaux de sensibilité souverainiste. Nous avons ainsi contribué, à notre mesure, à l'inflexion de la position des médias français sur la question coréenne.

Au regard de la profonde méconnaissance en Occident des idées du Juche et de la politique de Songun, l'AAFC a créé en son sein un Comité d'étude des sciences politiques et sociales de la Corée et nos adhérents sont à l'origine de plusieurs articles sur ces questions dans les meilleures revues françaises de sciences politiques.

Au-delà des actions de communication, qui passent par la publication régulière d'articles sur nos différents sites Internet, la publication d'ouvrages et la parution depuis 1972 d'un bulletin trimestriel, nous soulignons aussi la nécessité d'être solidaires du peuple coréen en menant des actions concrètes qui conduisent à une élévation réelle du niveau de vie du peuple coréen, notamment :

- dans le domaine universitaire, nous avons initié des coopérations dans les secteurs de l'architecture ou encore des mathématiques, en contribuant à la venue en Corée d'universitaires français et étrangers ; des sujets plus pointus sont également dans notre champ d'actions, comme la défense de la francophonie et la promotion de l'Espéranto, tout en faisant des donations régulières à la Foire du livre scientifique et technique ;

- au plan culturel, nous avons notamment accueilli en France en février 2015, en collaboration avec l'ONG britannique DULA, une délégation de membres de la Fédération coréenne des personnes handicapées ;

- la solidarité s'exerce par le recueil de dons et le soutien aux populations frappées par les catastrophes naturelles (inondations, sécheresses), en liaison étroite avec des ONG françaises et étrangères implantées en Corée ; nous faisons ainsi nôtre le proverbe coréen selon lequel il vaut mieux apprendre à quelqu'un à pêcher que lui donner du poisson ; c'est pourquoi, en liaison avec des agriculteurs membres de l'association, nous avons fait parvenir des semences diverses en Corée, qui ont permis des expérimentations par les scientifiques coréens pour améliorer les rendements et diversifier la production ;

- s'agissant des échanges économiques, malgré l'embargo et les sanctions, des chefs d'entreprise français sont présents en Corée ou cherchent à s'y implanter ; il est actuellement envisagé de mettre en place un comité économique au sein de l'AAFC pour coordonner les échanges d'expériences et créer une plateforme d'informations.

Mettant ainsi en relation les responsables coréens avec personnalités françaises, l'AAFC est structurée en dehors de Paris en comités régionaux.

Enfin, nous avons initié ou participé à des manifestations pour la paix en Corée, pour refuser la révision de la Constitution japonaise dans un sens militariste, contre les manœuvres militaires américaines, pour la libération des prisonniers politiques sud-coréens, pour défendre les victimes du naufrage du ferry Sewol ou encore obtenir le départ du pouvoir de la présidente sud-coréenne Park Geun-hye. Pour ce faire, nous avons pratiqué l'unité, en particulier avec les différentes composantes des progressistes sud-coréens en France, tout en soutenant les Sud-Coréens de France victimes de la répression du régime Park, au sein notamment d'un Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, fondé à Paris en avril 2017. Des militants de l'AAFC se sont aussi engagés personnellement auprès de Sud-Coréens de France qui ont obtenu le statut de réfugié politique.

Le nouveau contexte international est pour nous riche de promesses, marqué par des progrès diplomatiques sans précédent incarnés par la déclaration de Panmunjom, le 27 avril 2018, entre les Présidents Kim Jong-un et Moon Jae-in. Mais de nombreux combats restent à mener : levée des sanctions ; mise en place d'un régime de paix permanent autour de la péninsule coréenne ; abrogation de la loi de sécurité nationale en Corée du Sud... Nous savons que nous ne serons qu'une des composantes de ces nouveaux combats, mais nous nous y engagerons résolument, en nous plaçant à l'avant-garde de la solidarité avec le peuple coréen – comme nous nous sommes efforcés de l'être depuis près de cinquante ans.

Je vous remercie pour votre attention.

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