Le 16 juillet 2018, la Filmothèque du Quartier Latin - qui avait déjà proposé en novembre 2008 une des plus importantes rétrospectives du cinéma (sud-)coréen en France - a organisé une projection-débat de JSA de Park Chan-wook, suivie d'un débat animé par Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne. Le premier long métrage qui a véritablement fait connaître Park Chan-wook - sorti en salles en Corée en 2000 - a dû attendre juin 2018 pour être projeté en salle dans notre pays (hormis des projections plus ponctuelles dans le cadre de festivals). Un chef d'oeuvre à découvrir ou à redécouvrir.
En réalisant JSA - récit d'une improbable fraternisation entre soldats sud et nord-coréens le long de la zone démilitarisée (mais qui se terminera par un affrontement mortel, qui servira de trame au thriller qui caractérise toute la première partie du film) - Park Chan-wook a opéré un tournant dans la représentation des Nord-Coréens dans le cinéma sud-coréen : ayant fait le choix de s'intéresser aux hommes et non aux systèmes politiques, il a humanisé les traits des Nord-Coréens, qui se démarquent (enfin) des brutes épaisses, assommées par l'idéologie, que l'on retrouve dans tant d'autres films sud-coréens de l'époque (ou antérieurs) consacrés aux relations Nord-Sud. Il est vrai également que l'élection du Sud-Coréen Kim Dae-jung à la présidence de la République en Corée du Sud, en 1998, a permis d'engager un rapprochement Nord-Sud qui a desserré l'étau de la censure, héritée de l'époque de la junte militaire. Park Chan-wook reconnaît lui-même qu'il n'aurait pas pu tourner ce film, qui a connu un immense succès en salles en Corée du Sud, dix ans plus tôt.
Les héritages de Quentin Taratino et du film noir américain sont très prégnants dans ce long métrage palpitant, qui brosse avec subtilité les portraits de personnages complexes, loin des héros positifs qui peuplent la création artistique - commune à l'ensemble de la Corée - où l'artiste se doit avant tout d'être pédagogue et éducateur. Non que le film soit exempt d'un message que l'on considèrera comme politique (d'ailleurs, les seuls véritables héros, si l'on veut en trouver, sont un sergent nord-coréen et une Suissesse d'origine coréenne qui découvre qu'elle est la fille d'un général nord-coréen, ce qui est en soi une révolution conceptuelle), mais Park Chan-wook s'est intéressé à la beauté de la fraternisation entre Coréens du Nord et du Sud, dans une ode à la réconciliation et à la réunification qui résonnait fortement, après le premier sommet intercoréen du 15 juin 2000, et qui a - à ce titre - marqué des générations de Sud-Coréens dans leurs représentations des "frères ennemis" du Nord. A cet égard, le réalisme est servi par une série de références historiques exactes.
Le débat qui a suivi la projection a aussi mis en avant d'autres traits originaux du film : une représentation de la femme émancipée sous les traits de l'inspectrice suisse, un message homosexuel peu évident à nos yeux mais qui a soulevé l'intérêt de la critique française en 2018, et plus nettement une critique de l'institution militaire sud-coréenne au moment où la fin annoncée de la criminalisation des objecteurs de conscience en Corée du Sud rappelle que le service militaire reste un instrument privilégié du bourrage de crâne anti-Corée du Nord dans la très conservatrice société sud-coréenne.
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