Si dans un bel ensemble les chaînes de télévision nationale agitent une improbable menace d'attaque nucléaire nord-coréenne, le programme nucléaire de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) sert en revanche de prétexte commode à une menace nouvelle d'utilisation d'armes nucléaires qui est, elle, d'autant plus vraisemblable et plus dangereuse qu'elle émane de la première puissance militaire du monde, la plus interventionniste dans l'histoire de l'humanité et la seule au monde à avoir utilisé l'arme atomique. Dans l'indifférence des mêmes télévisions nationales hexagonales, le 2 février 2018 le Pentagone a fait état de la nouvelle "posture nucléaire" des Etats-Unis, qui complète sa stratégie de défense nationale : le peu qui a été rendu public de ce document (une quinzaine de pages sur 54, laissant craindre le pire dans la partie restée secrète) ouvre des perspectives nouvelles et effrayantes d'utilisation de bombes nucléaires dites "miniatures". Plus que jamais, l'Association d'amitié franco-coréenne appelle à soutenir le dialogue intercoréen et les efforts pour la paix en Asie du Nord-Est ,dans le cadre des actuels Jeux olympiques de Pyeongchang, afin que l'argument nord-coréen cesse de servir d'alibi à des menaces américaines de guerre nucléaire dont la mise à exécution serait apocalyptique.
L'hiver nucléaire se rapproche : au nom prétendument de la lutte contre la Chine, la Russie, l'Iran, la Corée du Nord, ainsi que de terroristes par définition non dotés d'armes nucléaires, la nouvelle "posture nucléaire" des Etats-Unis envisage, comme le précise Gille Paris dans un article du quotidien Le Monde, de compléter les composantes terrestre, aérienne et maritime de l'armement nucléaire américain par la production d'armes dites tactiques, "de faible puissance", "terre-terre ou mer-terre", embarquées à bord de sous-marins ou de bombardiers.
Mais de quoi s'agit-il ? Le lecteur du Monde n'en saura rien, sinon que ces nouvelles armes nucléaires n'entrent pas dans les catégories actuellement couvertes par les accords de limitation des armements nucléaires (et qu'elles devraient donc relancer la course à la bombe). De même, il devra se contenter des propos (mensongers, nous le verrons ci-après) du Pentagone selon lesquels il s'agirait de renforcer la "dissuasion" nucléaire face à des risques d'attaque "nucléaire ou non nucléaire" des Etats-Unis - attaque dont le journaliste Gilles Paris précise toutefois qu'elle est définie en termes tellement flous qu'il peut s'agit de "cyberattaques massives" - sans définir ce qui est "massif", alors même que la cyberguerre a d'ores et déjà commencé - avec des assaillants qui ne sont pas forcément ceux que l'on croit.
Dans l'édition du 7 février 2018 du Canard enchaîné, Claude Angeli précise que la fabrication du premier lot (à savoir 30 bombes nucléaires "miniaturisées") de ces nouvelles armes de destruction massive est déjà programmée :
Ces petites merveilles de technologie mortifère, disponibles au plus tard dans deux ans, seront d'une puissance nettement inférieure à la bombe lancée en 1945 sur Hiroshima (environ 15 kilotonnes). Elles ne provoqueront jamais autant de destructions que les missiles de 150 à 475 kilotonnes dont disposent les armées américaines, mais, que l'on se rassure, elles auront des effets "incendiaires et radioactifs" remarquables, selon un expert militaire.
Il a fallu un an aux experts du Pentagone pour répondre à la demande de l'administration Trump, qui se mettait tout juste en place, formulée le 27 janvier 2017, de mettre au point ces nouvelles armes - avant donc le déclenchement du cycle des tensions qui ont crû autour de la Corée tout au long de l'année 2017, prouvant une nouvelle fois - si besoin était - que le programme nucléaire nord-coréen est évidemment un prétexte à la définition d'une posture stratégique qui répond à une volonté délibérée, et non à des circonstances spécifiques.
Comme le précise Claude Angeli, il s'agit d'envisager une nouvelle forme de conflit ciblé - utilisant des armes nucléaires, ce qui est sans précédent, et remettant en cause la logique de dissuasion nucléaire (invoquée hypocritement par les experts du Pentagone), laquelle sert aujourd'hui de justification au maintien d'un arsenal nucléaire par les Etats qui disposent aujourd'hui de la bombe. Selon Claude Angeli, les Etats-Unis deviennent ainsi le premier Etat au monde à théoriser et à revendiquer l'utilisation en premier d'armes nucléaires :
[Donald Trump] veut pouvoir tirer le premier et donner une méchante leçon à un présumé ennemi, tels la Corée du Nord ou l'Iran, si l'envie lui en prend. Le président américain aurait ainsi la possibilité de mener un conflit nucléaire limité, ce qui est une remise en question des principes de la dissuasion.
Ce comportement de la puissance américaine est non seulement contraire à tous les principes de dissuasion régissant l'emploi de l'arme nucléaire dans le monde contemporain, mais cette nouvelle doctrine nucléaire effrayante entraînerait de surcroît, et contré leur gré, les alliés des Etats-Unis (France, Corée du Sud...) dans une guerre nucléaire qu'ils refusent.
Il est temps que, tous ensemble, gouvernements comme opinions publiques, au-delà des différences de système politique et économique, disions stop à la folie nucléaire de l'administration Trump, si nous voulons empêcher l'apocalypse nucléaire que nous promettent de nouveaux docteurs Folamour derrière les écrans de fumée des menaces iranienne ou nord-coréenne fabriquées ou grossies à dessein.
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