Le philosophe Jean Salem, professeur à l'Université de la Sorbonne, a disparu dans la nuit du 13 au 14 janvier 2018, à l'âge de 65 ans. Spécialiste de Démocrite et d'Epicure, il était également un intellectuel engagé, et la Corée avait fait partie des causes qui lui avaient tout particulièrement tenu à coeur et pour lesquelles il avait continué de s'investir jusqu'à la fin. Adhérent à l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), il était devenu le président du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, fondé en 2015 après l'interdiction du Parti progressiste unifié, afin de lutter contre la dérive autoritaire qui a frappé la République de Corée sous la décennie conservatrice des présidents Lee Myung-bak et Park Geun-hye (2008-2017), et qui travaille aujourd'hui, entre autres, à la libération des prisonniers politiques et syndicaux, la levée des mécanismes répressifs et la défense des droits des minorités. Homme modeste et généreux, altruiste, soutenant d'autant plus pleinement les causes justes qu'elles se heurtent trop souvent à l'indifférence (comme la question des droits de l'homme au Sud de la Corée), Jean Salem confessait son admiration pour les courageux militants sud-coréens pour la démocratie qui se sont engagés dans un combat digne de David contre Goliath - accablés par la complicité des capitales occidentales envers un pouvoir sud-coréen qui a emprisonné (et emprisonne toujours) plus de six cents objecteurs de conscience et des dizaines de militants politiques et syndicaux (en n'apportant pas non plus les soins médicaux nécessaires à ceux qui en avaient besoin), sur la base de procès truqués. L'AAFC rend hommage à un grand homme, dont elle souhaite retracer l'engagement pour la cause coréenne, et présente ses condoléances à sa famille, ses amis et ses proches.
Source : L'Humanité (https://www.humanite.fr/disparition-sagesse-et-resistance-les-atomes-crochus-de-jean-salem-648699)
La première rencontre de l'AAFC avec Jean Salem avait eu lieu à l'occasion d'une mobilisation pour que justice soit rendue aux "femmes de réconfort", cet euphémisme désignant les anciennes esclaves sexuelles, coréennes et originaires d'autres pays d'Asie, d'Europe et d'Océanie, exploitées dans les bordels militaires de l'armée impériale japonaise avant et pendant la Seconde guerre mondiale. A cette occasion, nous lui avions appris que son père Henri Alleg (lui aussi militant communiste, anticolonialiste et anti-impérialiste) s'était engagé pendant des décennies à l'AAFC, pour la paix et la réunification de la Corée. D'une grande modestie, Henri Alleg ne s'en était jamais vanté. Jean Salem devait à son tour rejoindre l'AAFC et poursuivre son engagement à nos côtés jusqu'à sa récente disparition, sans jamais briguer la moindre responsabilité aux niveaux national et local : la recherche des honneurs lui était définitivement étrangère.
Il avait été de tous les combats du peuple sud-coréen en lutte pour les libertés politiques et syndicales (étant notamment présent aux manifestations du 1er mai 2015 à Séoul), permettant que s'expriment à l'Université de la Sorbonne, notamment dans le cadre du séminaire « Marx au XXIe siècle : l’esprit et la lettre » qu'il avait créé et animé, non seulement d'anciennes "femmes de réconfort" coréennes, mais aussi les militants politiques en butte à la répression et les familles des victimes du dramatique naufrage du ferry "Sewol", où ont péri plus de 300 Coréens, principalement des lycéens en voyage scolaire, du fait de la déréglementation libérale, de la corruption des propriétaires du navire et de l'incurie des autorités gouvernementales.
Jean Salem avait aussi donné la parole à Robert Charvin, vice-président de l'AAFC, dans le cadre du séminaire « Marx au XXIe siècle », pour démonter les mécanismes de diabolisation de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et de la Russie. Il avait aussi préfacé la réédition, parue en 2017 chez Delga, de l'ouvrage "Comment peut-on être Coréen (du Nord) ?".
Plus récemment, lors du colloque international pour la paix et la réunification en Corée organisé à Paris par l'AAFC les 23 et 24 juin 2017, Jean Salem nous avait permis que les interventions du premier jour, à caractère universitaire, se tiennent dans le cadre prestigieux de la Sorbonne. Malgré la maladie, il avait tenu à ouvrir le colloque, témoignant alors de sa connaissance réelle des réalités de la péninsule coréenne, et de sa solidarité pleine et sincère avec les militants sud-coréens.
Jean Salem était un homme intègre, un intellectuel combattant, un ami indéfectible. Il nous manquera.
commenter cet article …