Hachette Tourisme a publié cette année, dans la collection "Guides bleus", un Petit guide des usages et coutumes consacré à la Corée de James Hoare, traduit de l'anglais. Ce petit ouvrage (170 pages) en format poche a le mérite rare de ne pas tomber dans deux travers habituels des écrits consacrés à la culture et aux coutumes de la Corée : l'européocentrisme (voyant la Corée sous l'angle d'un exotisme de bon aloi, défaut habituel des guides de voyage sur l'Asie), et une approche fragmentaire, tendant à ignorer qu'il existe aujourd'hui deux Etats coréens partageant néanmoins une histoire et une culture communes.
James Edward Hoare, né en 1943, est un diplomate et un universitaire britannique spécialiste de la Chine et de la Corée, qui a notamment été en poste à Séoul (1981-1984), Pékin (1988-1991) et Pyongyang où il a occupé les fonctions de chargé d'affaires en vue de l'ouverture de l'ambassade britannique après l'établissement de relations diplomatiques entre le Royaume-Uni et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) en 2000.
Fort de son expérience diplomatique et de son bagage universitaire, c'est en connaissance de cause qu'il apporte une synthèse claire et intelligente de la culture et des coutumes propres à la Corée, abordant successivement le pays et ses habitants (chapitre 1), ses valeurs culturelles (chapitre 2), ses croyances, coutumes et tabous (chapitre 3), les règles sociales (chapitres 4 et 5), les loisirs (chapitre 6), le voyage en Corée (chapitre 7), les règles à suivre dans les affaires (chapitre 8) et la communication (chapitre 9).
Plus que les quelques aperçus sur l'histoire et la diplomatie de la Corée, où fleure souvent le point de vue du diplomate britannique (qui n'a pas vocation à être neutre et impartial) mais avec cet art de la nuance et du sous-entendu tellement british, l'ouvrage a cette qualité rare de permettre à l'Occidental en relation avec des Coréens (Nord comme Sud) ou visitant la péninsule coréenne (que ce soit Séoul ou Pyongyang) d'apprendre ce qu'il doit savoir pour éviter les impairs liés aux différences culturelles. Ainsi par exemple James Hoare consacre un paragraphe très juste et précis sur la question importante, dans toute l'Asie de l'Est, des cartes de visite (p. 139-140) :
Après s'être présenté, il est d'usage d'offrir sa carte de visite. On les utilise beaucoup au Sud comme au Nord, et il peut être utile d'en avoir sur vous, même si vous ne restez pas longtemps. Vous pouvez bien sûr les imprimer avant de partir, mais il y a certains avantages à attendre d'être sur place. On vous les fabriquera rapidement, et les imprimeurs coréens pourront ajouter nom, adresse et nom de l'entreprise en coréen. Les cartes doivent être présentées des deux mains, si possible, et si ce n'est pas possible de la main droite. Au moment de recevoir une carte, il est de bon ton de l'étudier un moment avant de la ranger. Un petit portefeuille en cuir ou en peau d'anguille, pour conserver vos cartes et celles que vous aurez reçues, est un bon achat à faire sur place. Vous pouvez aussi acquérir un carnet dans lequel conserver vos cartes et transférer vos cartes à mesure que votre collection grandit. Les cartes sud-coréennes sont souvent très complètes et détaillées et les cartes avec images sont de plus en plus courantes. Les cartes nord-coréennes, au contraire, sont plutôt minimalistes : nom, titre, organisation et adresse, ainsi qu'un numéro de téléphone général. Il est très difficile d'obtenir un numéro personnel en Corée du Nord.
Attachant une grande importance à leur propre hiérarchie, les Coréens s'intéresseront naturellement à la vôtre. Les cartes professionnelles sont très importantes ici, et ce serait une grande erreur que de vouloir s'en passer. Les Coréens s'empareront de la vôtre avec avidité, celle-ci leur conférant, ils l'espèrent, des informations importantes sur vous et vos attributions. Les diplômes peuvent faire impression, surtout s'ils viennent d'établissements prestigieux. N'omettez pas rangs et titres, qui sont aussi très importants. En plus de ce qu'ils pourront apprendre de votre carte, les Coréens vous questionneront parfois à propos de votre passé, de votre éducation et de vos croyances. Tous ces détails ont pour but de vous situer et de voir comment vous pouvez vous insérer dans leur système.
James Hoare aurait pu ajouter que les Coréens vous demandent aussi souvent votre âge, afin de vous positionner dans une hiérarchie où le plus jeune doit le respect au plus ancien. Par ailleurs, il a omis que, au Nord, une adresse email (également générale) figure désormais fréquemment sur les cartes de visite.
Les principales faiblesses de l'ouvrage concernant d'ailleurs la Corée du Nord. Il y a des informations datées (probablement dues au fait que James Hoare était en poste à Pyongyang il y a plus de 15 ans) : aujourd'hui il est par exemple possible de se déplacer seul, au moins dans la capitale, sans ses guides, et suivant des règles fixées au cas par cas, contrairement à ce qui est affirmé. On relève aussi quelques rares erreurs - ainsi, pour se procurer un visa pour la Corée du Nord, la délégation générale de la RPD de Corée rue Asseline (Paris 14e) est l'interlocuteur naturel (et pas l'ambassade de France en Chine ou le consulat général de France à Shenyang). Mais le petit guide de très bonne facture de James Hoare, tout en étant nettement supérieur aux guides de voyage sur la Corée du Nord aujourd'hui disponibles en français, n'entend pas se substituer aux informations à jour figurant sur les sites d'agences de voyage spécialisées (comme Koryo Tours ou Korea Consult). Il constitue, en tout de cause, un livre abordable (7,90 €) riche d'informations de qualité que se doit de connaître toute personne intéressée par la Corée et les Coréens.