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14 juillet 2017 5 14 /07 /juillet /2017 18:27

Lors du sommet du G20 à Hambourg des 7 et 8 juillet 2017, intervenu quelques jours après le lancement d'un missile balistique de longue portée par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), le président américain Donald Trump a recherché l'appui de son homologue russe Vladimir Poutine sur la question nucléaire nord-coréenne, qualifiée par le président russe de "problème très grave" qu'il faut traiter "de manière pragmatique et très délicate", tout en gardant "son sang froid". Cette interpellation du leader russe, après que l'administration Trump a fait part de sa déception vis-à-vis de la Chine pour traiter la question nord-coréenne (en mettant en place des sanctions secondaires contre les entreprises chinoises commerçant avec la RPDC), est particulièrement significative du rôle que la Fédération de Russie peut être amenée à jouer dans la péninsule, malgré une influence économique encore limitée.
 

Vladimir Poutine et Kim Yong Nam, président du praesidium de l'Assemblée populaire suprême de la RPD de Corée, au Kremlin le 9 mai 2015.

Vladimir Poutine et Kim Yong Nam, président du praesidium de l'Assemblée populaire suprême de la RPD de Corée, au Kremlin le 9 mai 2015.

Alors que pendant la guerre froide l'Union Soviétique avait été le principal partenaire de la RPD de Corée, l'influence de la Russie en Corée du Nord avait fortement décliné dans les années 1990, avant de connaître un regain à la suite de l'élection de Vladimir Poutine, qui avait visité la Corée du Nord dès juillet 2000, puis rencontré Kim Jong Il en Russie à plusieurs reprises - notamment en août 2011, à la fin de la vie du dirigeant nord-coréen, soucieux de développer les relations de la RPD de Corée avec d'autres partenaires que la Chine. La visite en Russie d'août 2011 avait permis de conclure l'annulation de la plus grande partie de la dette bilatérale nord-coréenne vis-à-vis de la Russie, actée par le Parlement russe en mai 2014 en contrepartie d'investissements russes en RPD de Corée. Même si le Maréchal Kim Jong Un n'a pas donné suite à l'invitation de Moscou de venir en Russie à l'occasion des célébrations de la fin de la Seconde guerre mondiale, plusieurs hauts responsables nord-coréens ont fait le déplacement et rencontré le président russe, notamment Choe Ryong Hae, membre du praesidium du bureau politique du Parti du travail de Corée, en novembre 2014, et Kim Yong Nam, chef d'Etat en titre en qualité du président du praesidium de l'Assemblée populaire suprême, lors de l'ouverture des Jeux olympiques de Sotchi en février 2014, et à l'occasion des cérémonies de la victoire à Moscou en mai 2015.

Le développement des relations économiques bilatérales, par ailleurs favorable au développement de l'Extrême-Orient russe, reste cependant encore largement à concrétiser - même en considérant comme exactes les récentes allégations d'un défecteur nord-coréen, selon lequel la Russie serait l'un des principaux fournisseurs d'hydrocarbures de la RPDC, à hauteur de quelques 300 000 tonnes de produits pétroliers par an. En 2015, selon les données officielles disponibles, le commerce bilatéral russo - nord-coréen est ainsi resté inférieur à 100 millions de dollars (constitué à 83,2 millions de dollars d'exportations russes et à 5,7 millions de dollars d'exportations nord-coréennes), nettement en-deçà des niveaux atteints au milieu des années 2000 (200 millions de dollars par an). A ces échanges commerciaux s'ajoutent cependant les travailleurs nord-coréens en Russie, qui seraient plusieurs dizaines de milliers. 

Commerce bilatéral Russie - RPD de Corée (2007-2015), en millions d'euros.

Commerce bilatéral Russie - RPD de Corée (2007-2015), en millions d'euros.

Tout en respectant strictement les sanctions internationales vis-à-vis de la RPDC, en les étendant même à la coopération scientifique et culturelle, la Russie cherche à développer ses relations économiques avec la Corée du Nord - ainsi qu'en a témoigné l'établissement, en mai 2017, d'une liaison maritime entre Rason et Vladivostok. Cet essor reste cependant entravé par les capacités d'investissement russes et surtout le contexte international : en étendant en 2016 ses sanctions unilatérales contre la Corée du Nord aux projets ferroviaires entre la Russie et la RPDC, en reportant sine die les perspectives prometteuses d'établissement de liaisons énergétiques (oléoducs et gazoducs) entre la Russie et le Sud de la péninsule via la RPDC, les autorités sud-coréennes ont délibérément cherché à couper les relations économiques entre la Russie et la RPDC, conformément à la stratégie des conservateurs (au pouvoir à Séoul entre 2008 et 2017) d'asphyxier la Corée du Nord pour provoquer son effondrement.

Si les relations économiques ne sont pas dépourvues d'importance, la question nord-coréenne est cependant d'abord stratégique et diplomatique pour Moscou. A l'écart des pourparlers internationaux (à quatre) dans les années 1990, présente dans les pourparlers à six dans les années 2000, la Russie a longtemps adopté un profil relativement bas sur la question coréenne depuis la fin de l'URSS : en soutenant les initiatives de la Chine acceptant le principe de sanctions internationales accrues au fur et à mesure des progrès des programmes balistiques et nucléaires nord-coréens, mais dans le but (selon Pékin) d'un retour in fine à la table des négociations, la Russie est apparue suiviste de Pékin, dont l'influence principale en Corée du Nord était de facto reconnue. Vis-à-vis de la Corée du Nord, Moscou partage toujours les objectifs stratégiques de Pékin (pas de Corée du Nord nucléarisée, pas d'actions déstabilisatrices tant du côté nord-coréen qu'américain, refus de l'unilatéralisme de Washington et notamment du déploiement en Corée du Sud du système de missiles antimissile américain THAAD qui remet en cause les équilibres stratégiques). Mais la Russie se place désormais sur un pied d'égalité avec la Chine, en prenant des initiatives conjointes en vue de faire baisser les tensions dans la péninsule : le jour même du lancement d'un missile balistique intercontinental par la Corée du Nord, Pékin et Moscou réitéraient
 leur proposition que Washington et Séoul suspendent leurs manoeuvres militaires dans la péninsule coréenne, en contrepartie d'un gel (et non d'un démantèlement) de ses programmes balistiques et nucléaires militaires par Pyongyang.

Signe que la Russie n'est plus seulement le partenaire mineur de la Chine sur la question nord-coréenne, elle développe aussi ses analyses propres (selon Moscou, la RPDC n'a pas procédé à un tir de missile balistique intercontinental le 4 juillet 2017) et joue une partition diplomatique qui n'est celle d'aucun autre pays. Ainsi, si les résolutions onusiennes contre la Corée du Nord sont, jusqu'à aujourd'hui, toujours le fruit d'un travail en commun entre Washington et Pékin ensuite soumis aux autres membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, l'adoption de la résolution 2270 du Conseil de sécurité des Nations Unies, prise après l'essai nucléaire nord-coréen du 6 janvier 2016, avait été retardée par la Russie - qui l'avait d'ailleurs modifiée à la marge en ce qui concerne la liste des personnes et entités sanctionnées. En juillet 2017, le Conseil de sécurité des Nations Unies n'a pas adopté de déclaration condamnant le lancement d'un ICBM par la RPDC à la suite du refus russe d'affirmer qu'il s'agissait d'un ICBM. Les Etats-Unis ont alors décidé de renoncer à une déclaration, annonçant qu'ils se concentreraient sur la seule adoption d'une nouvelle résolution renforçant les sanctions contre la Corée du Nord.

L'influence croissante de la Russie en Corée a été favorisée par la distorsion des liens entre la Corée du Nord et la Chine qui désormais n'a plus d'objections à une place accrue de la Russie. Moscou n'entend pas favoriser une partie plutôt qu'une autre (et son soutien aux sanctions internationales suffirait à prouver qu'elle n'entend pas voir ses positions assimilées à une défense des initiatives nord-coréennes) : elle se place en faiseuse de paix et en promoteur du dialogue, non seulement intercoréen mais aussi entre l'ensemble des parties impliquées dans la péninsule coréenne (au rang desquelles l'Union européenne est toujours la grande absente), pouvant aussi jouer sur les différences de positions entre les Etats-Unis et leurs alliés, comme la Corée du Sud soucieuse de renouer avec le dialogue Nord-Sud depuis l'élection de Moon Jae-in à la présidence de la République à Séoul. Apparaissant comme le chef de file d'une conception des relations internationales fondée sur le respect de la souveraineté des Etats, la recherche de solutions par le dialogue et le multilatéralisme, la Russie gagne en influence et en respectabilité, tout en pouvant abattre la carte coréenne pour appuyer son rôle majeur de puissance internationale incontournable dans d'autres régions du monde - comme la Syrie, l'Irak et l'Iran.

Sources : 

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