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6 juillet 2017 4 06 /07 /juillet /2017 21:27

Si les médias sud-coréens ont tenté de faire ressortir la convergence de vues entre le Coréen Moon Jae-in et l'Américain Donald Trump lors de la visite du premier au second, ou du moins la prise en compte des attentes sud-coréennes par l'administration américaine, la réalité mérite d'être nuancée au regard de l'obstination de Donald Trump à marteler le même message néoconservateur - ce qu'a analysé John Burton dans un article publié dans Nikkei Asian Review, que nous publions ci-après traduit de l'anglais, avec pour titre et sous-titre (en français) "Moon face à un Trump obstiné lors de sa visite aux Etats-Unis" - "Les négociations commerciales ont pris une importance inattendue lors des discutions américano-coréennes", même si l'on peut objectivement s'interroger sur ce que Moon Jae-in aurait pu davantage obtenir, au regard du peu de considérations manifestement de l'administration Trump pour la République de Corée et les Sud-Coréens.

 

"Moon face à un Trump obstiné lors de sa visite aux Etats-Unis" (John Burton)

Le président sud-coréen Moon Jae-in était conscient qu’il lui faudrait faire preuve de discernement durant sa rencontre à Washington avec le président américain Donald Trump, qui privilégie les affinités personnelles avant tout autre chose dans ses relations avec les dirigeants étrangers.

 

La rencontre du 30 juin a été perçue comme le premier grand test pour Moon, qui a été élu sept semaines après la destitution de son prédécesseur. Les chances étaient grandes que cette réunion puisse déterminer le futur de l’alliance américano-sud-coréenne en matière de sécurité à un moment où la Corée du Nord accélère le développement de ses programmes nucléaires et balistiques.

 

Les médias américains avaient prédit un affrontement entre les deux dirigeants, Moon privilégiant une approche plus conciliante envers la Corée du Nord que celle de l’administration Trump, qui favorise un durcissement des sanctions. La majeure partie des diplomates américains se méfient de Moon du fait du durcissement de l’attitude des Etats-Unis envers la Corée du Nord. Moon fut le chef de cabinet de Roh Moo-hyun, le président sud-coréen de 2003 à 2008, qui était perçu comme un défenseur d’une politique d’apaisement face à la Corée du Nord.

 

Les conseillers de Moon ont organisé la visite comme un exercice soigneusement calibré de relations publiques visant à gagner la confiance de l’administration Trump et de l’opinion publique américaine.

 

Moon, par exemple, s’est servi de sa poignante histoire personnelle pour délivrer le message indiquant que l’alliance militaire américaine est le fondement de la démocratie sud-coréenne. Son premier geste après avoir atterri à Washington fut de visiter le Musée National du Corps des Marines, qui commémore la grande opération d’évacuation de réfugiés nord-coréens fin 1950 durant de la Guerre de Corée, réfugiés parmi lesquels se trouvaient les parents de Moon.

 

Moon a également tenté de minimiser les différents avec l’administration Trump concernant les problèmes sécuritaires. Le sujet le plus controversé est le récent déploiement du système antibalistique américain Terminal High Altitude Area Defense, auquel Moon s’est opposé durant sa campagne pour la présidence de la République. Bien que le système THAAD soit prévu pour défendre la Corée du Sud contre une attaque de missiles nord-coréenne, la Chine y voit une menace potentielle à l’encontre de sa force nucléaire stratégique et a imposé des restrictions sur les importations sud-coréennes en représailles.

 

Peu avant la rencontre, Moon a affirmé qu’il ne bloquerait pas la mise en place du système THAAD comme il l’avait suggéré auparavant, mais qu’il retarderait son complet déploiement jusqu’à ce qu’une étude exhaustive sur son impact environnemental soit menée à son terme. Moon espère que ce délai lui donnera le temps de répondre aux inquiétudes de la population sud-coréenne ainsi qu’à celles du gouvernement chinois.

 

Moon était accompagné lors de son voyage aux Etats-Unis par plus d’une cinquantaine de chefs d’entreprise qui se sont engagés à y investir 12,8 milliards de dollars pendant les cinq prochaines années ainsi qu’à dépenser 22,4 milliards de dollars supplémentaires dans le gaz naturel et l’aéronautique, entre autres.

 

Les reproches américains

 

Mais si Moon pensait que ces actions amadoueraient Trump, il découvrit rapidement la réalité après s’être assis pour discuter avec le président américain et son cabinet. Le dirigeant sud-coréen a reçu en public un exposé donné par le Secrétaire Américain au Commerce Wilbur Ross, qui a reçu une décoration du gouvernement sud-coréen pour ses efforts visant à aider à reconstruire l’économie du pays après la crise financière de 1997.

 

Ross se plaignit du fait que Séoul continue à maintenir des barrières douanières sur les produits américains, dans des secteurs tels que l’automobile, en dépit de la mise en place d’un accord bilatéral de libre-échange en 2011. Le déficit commercial avec la Corée du Sud a plus que doublé pour atteindre les 27 milliards de dollars depuis.

 

Gary Cohn, le conseiller économique en chef de Trump, a accusé la Corée du Sud de servir d’intermédiaire pour l’exportation de produit métallurgiques chinois bon marché. La Corée du Sud est le deuxième plus grand exportateur d’acier vers les Etats-Unis et pourrait subir des pénalités douanières une fois que l’enquête américaine sur le dumping sur le commerce mondial de l’acier sera terminée.

 

Dans une déclaration commune face aux médias avec Moon, Trump a affirmé qu’il souhaiterait renégocier l’accord commercial bilatéral avec Séoul, qu’il a décrit comme étant « pas exactement une bonne affaire » et « injuste envers le travailleur américain ». Il a également suggéré que Séoul devrait payer davantage « pour assurer un partage équitable du coût lié à la présence militaire américaine en Corée du Sud ».

 

Les officiels sud-coréens ont admis après coup avoir été pris de court par la sévère critique de l’administration Trump concernant les échanges commerciaux. « Nous pensions que le thème central du sommet serait la sécurité, mais ce fut seulement lors des dernières 48 heures que nous avons compris que le commerce serait d’une importance équivalente », indique un fonctionnaire sud-coréen en charge du commerce.

 

L’attitude de Trump envers Moon représente une volte-face soudaine dans l’approche de son administration vis-à-vis des échanges commerciaux avec la Chine et la Corée du Sud ainsi que par rapport à sa position concernant la menace nucléaire nord-coréenne. Cela marque également un renversement de la rhétorique employée durant sa campagne présidentielle, il accusait alors à la fois Pékin et Séoul de se comporter comme des passagers clandestins au sein des échanges économiques mondiaux.

 

Le paramètre chinois

 

Tôt au cours de son mandat, Trump surprit un grand nombre d’observateurs en acceptant de diminuer l’intensité de ses critiques envers les pratiques commerciales chinoises en échange de l’acceptation par Pékin de la mise en place de sanctions économiques renforcées à l’encontre de Pyongyang afin de l’aider à freiner son programme nucléaire et balistique.

 

Cependant, depuis peu, Trump a indiqué avoir perdu patience face au manque de résultats de la Chine. Le 29 juin, son administration a imposé des sanctions sur plusieurs entités chinoises commerçant avec la Corée du Nord, en approuvant au même moment une vente d’armement à Taiwan pour un montant de 1,4 milliard de dollar entraînant une réaction furieuse de la part de Pékin.

 

En critiquant la politique commerciale sud-coréenne, Trump a également insinué que la Corée du Sud devait se ranger derrière une politique américaine plus agressive envers Pyongyang si elle désire éviter des problèmes dans l’exportation de ses marchandises vers les Etats-Unis.

 

Bien que le président américain ait réaffirmé son soutien à l’alliance militaire avec la Corée du Sud, il semble accorder peu de valeur au désir de Moon de régler la crise nucléaire par le dialogue, arguant que « l’ère de la patience stratégique avec la Corée du Nord a échoué ».

 

Moon s’est retrouvé dans une situation délicate en tentant de défendre sa politique « alliant les sanctions au dialogue », cela même lorsqu’il se fait l’avocat de la ligne dure prônée par Trump en déclarant que « les menaces et les provocations du Nord feront face à une réponse impitoyable ».

 

La question principale est de savoir si Moon, qui bénéficie d’une popularité dépassant les 80%, souffrira politiquement une fois rentré dans son pays du peu de résultats à faire valoir. Les Sud-Coréens ont témoigné de l’indice de confiance le plus faible concernant Trump parmi les pays asiatiques, 17%, selon une nouvelle étude menée par le Pew Research Center. Moon est d’ores et déjà critiqué pour avoir promis que son pays investirait massivement aux Etats-Unis alors qu’une hausse des dépenses est nécessaire au niveau national pour faire face au chômage record de la jeunesse.

 

La popularité de Moon dans son pays se fonde principalement sur ses efforts pour mettre un terme à la bipolarisation entre conservateurs et progressistes dans l’espoir de voir émerger une nouvelle politique de synthèse. En matière de diplomatie, cela signifie l’affirmation de l’importance de l’alliance militaire américano-sud-coréenne, tout en demandant la reconnaissance des intérêts légitimes de la Corée du Sud dans la mise en place d’une politique commune avec la Corée du Nord. Cet objectif est maintenant remis en question à la lumière de la récente visite de Moon aux Etats-Unis.

 

Tel le jeune idéaliste dans le film de 1939, « Monsieur Smith au Sénat », Moon a déjà découvert que la capitale américaine pouvait être un cimetière pour les espoirs que l’on caresse.


Article original en anglais : 

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