L'actrice Isabelle Sadoyan, qui avait obtenu en 2014 un Molière pour son rôle dans L'Origine du monde, est disparue le 10 juillet 2017, à l'âge de 89 ans. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) revient sur un rôle tenu par la comédienne au début de sa carrière, en 1956, dans la pièce Aujourd'hui ou les Coréens de Michel Vinaver, sur une mise en scène de Roger Planchon.
Ecrite en 1955 par Michel Vinaver, la pièce Aujourd'hui ou les Coréens (aujourd'hui appelée simplement Les Coréens) narre, pendant la guerre de Corée, comment des soldats français, blessés et perdus après s'être engagés aux côtés des Américains, et plus particulièrement un caporal français (Belair), sont aidés par des villageois nord-coréens - dont l'humanité est soulignée par contraste avec celle des combattants étrangers. Alors jugée pro-communiste car dénigrant l'armée française, dans le contexte de la guerre froide et des manoeuvres de la CIA pour contrôler la culture (au moment où nombre de personnalités du monde de la culture et de la science se sont engagées contre les Américains pendant la guerre de Corée), la pièce devra attendre les années 1990 pour être traduite en coréen (au Sud de la péninsule) et être à nouveau représentée. En France, elle sera republiée par Actes Sud en 1993.
C'est à la troupe du Théâtre de la comédie, fondé à Lyon notamment Roger Planchon et Isabelle Sadoyan, que reviendra l'honneur de jouer à Lyon en première mondiale la pièce de Michel Vinaver, le 24 octobre 1956, sur une mise en scène et avec les décors de Roger Planchon. Quand Roger Planchon interprète le rôle de Belair, Isabelle Sadoyan (qui n'a alors que 28 ans) doit jouer le rôle d'une Nord-Coréenne âgée de 40 ans dans la pièce, Lin-Huai, qui a perdu son fils et secourra le soldat français.
Un portrait de la comédienne par Nadja Pobel, en juin 2016, raconte la rencontre entre elle, Planchon et Vinaver :
Planchon est loin de ces apparats : il a fait la connaissance d’un jeune auteur contemporain méconnu, Michel Vinaver, venu voir sa version de La Bonne-âme du Se-Tchuan, lui laissant un texte, Les Coréens. Aussitôt lu, aussitôt monté ! «Vinaver a beaucoup compté car il me parlait, très peu d’intellos venaient vers moi» dit Sadoyan qui est aussi de la distribution de la création de Planchon de Par-dessus bord en 1973 et bien plus tard, au TNP encore dans la version intégrale de ce même texte monté par Christian Schiaretti en 2008. Un vrai compagnonnage !
http://www.petit-bulletin.fr/lyon/theatre-danse-article-54388-Isabelle+Sadoyan+++la+Bonne-Ame.html
Nadja Pobel raconte aussi la rencontre avec Sonia Bove à l'occasion de la représentation des Coréens, en apportant un témoignage très vivant sur le jeu de la comédienne :
C’est au moment des Coréens, que Sonia Bove rencontre Isabelle Sadoyan qui deviendra sa grande amie. Même si elle a quinze ans de moins que la comédienne, elle se souvient : «son jeu me plaisait, elle avait à la fois la simplicité, le burlesque, le baroque, elle était effacée et présente. Et cela n’a pas bougé d’un iota» confie-t-elle. «Le théâtre a toujours la même place dans son éthique. Je n’aurais jamais pensé qu’on puisse aimer un métier à ce point-là».
http://www.petit-bulletin.fr/lyon/theatre-danse-article-54388-Isabelle+Sadoyan+++la+Bonne-Ame.html
L'AAFC salue la mémoire d'une grande comédienne et présente ses condoléance à sa famille, ses collègues et ses proches.