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2 mars 2017 4 02 /03 /mars /2017 20:27

Le 22 février 2017, le journal russe Kolokol Russia a publié un article du journaliste indépendant Boris Djerelievsky dans lequel celui-ci dénonce les sanctions que s'apprête à prendre la Fédération de Russie à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Il déplore que celles-ci traduisent une soumission aux intérêts des puissances occidentales (et en premier lieu des États-Unis) et soient contradictoires avec la dénonciation par les autorités russes elles-mêmes des sanctions que lui imposent l'Occident. Nous publions ci-après une traduction du russe de cet article.

 Sanctions contre Pyongyang, Moscou joue une partition étrangère

Les sanctions russes en cours de préparation contre la RPDC sont loin d’être indiscutables tant au point de vue moral que pratique.

La Russie se prépare à prendre de dures sanctions contre la République populaire démocratique de Corée. Le projet des mesures annoncées par les médias, déjà visibles sur les portails d'information juridique, constitue la réponse aux essais nucléaires réalisés par Pyongyang et interdits par les accords internationaux. Il est indiqué que l'introduction de nouvelles sanctions est liée à la résolution 2321 du Conseil de sécurité de l'ONU du 30 novembre 2016, qui prévoit une série de restrictions en ce qui concerne la RPDC en réponse à la réalisation de ses essais nucléaires, ainsi qu’à la loi de la Fédération de Russie du 30 décembre 2006. Le projet de décret du Président de la Russie prévoit la cessation de toute coopération scientifique et technique avec certaines personnes ou certaines organisations de la RPDC « à l'exception des échanges dans le domaine de la médecine ». La coopération dans le domaine de la science nucléaire, de l’aérospatial et de l’aéronautique est possible seulement avec l'approbation du comité du Conseil de sécurité de l'ONU. Le projet de décret prévoit aussi l'introduction de l'interdiction d’importer de RPDC du cuivre, du nickel, de l’argent et du zinc et de transporter ces minerais sur le territoire de la Russie. Par exception il est possible d’acheter à la Corée du Nord du charbon et du minerai de fer, si ne participent pas à ces achats des personnes physiques et morales figurant sur la liste de sanction ou des personnes liées au programme nucléaire du pays. Sont projetées également la clôture des représentations existantes des banques de la Fédération de Russie, qui agissent sur le territoire de la RPDC sous juridiction russe (excepté pour ce qui est destiné à l'aide humanitaire), et l'expulsion de Russie de ceux qui travaillent en Fédération de Russie au nom de ou pour n'importe quelle institution financière nord-coréenne. En outre serait interdite à la Corée du Nord l'utilisation de biens immobiliers, qu’elle en soit propriétaire ou locataire, sur le territoire de la Fédération de Russie pour tout usage autre que ses activités diplomatiques ou consulaires.

Le décret prévoit aussi la restriction du nombre des comptes bancaires des citoyens de la République populaire démocratique de Corée à un seul compte pour chaque diplomate accrédité en Russie et chaque collaborateur d’un consulat.

Le programme nucléaire et balistique de la Corée du Nord compte déjà plus d’une décennie d’existence. A Pyongyang son début est lié aux événements de la crise des Caraïbes (1962). Après que le leader soviétique de l’époque Nikita Khrouchtchev a pris, sous la pression des États-Unis, la décision de retrait des fusées soviétiques du territoire de Cuba  malgré les objections catégoriques de la direction cubaine, le leader de la République populaire démocratique de Corée Kim Il-sung en est arrivé à la conclusion que pour avoir une garantie de sécurité on peut compter que sur soi-même. Cette question est tout à fait réelle pour ce pays qui, depuis sa création, s’est trouvé et se trouve sous la menace de l'agression américaine. Washington et Séoul ne cachent pas leurs intentions hostiles en ce qui concerne la Corée du Nord, en déclarant ouvertement préparer des actes de terroristes contre ses dirigeants et une « attaque préventive ». Durant les années de la guerre froide la Corée du Nord recevait une aide militaire de l’URSS et de la République populaire de Chine. Actuellement cette aide a entièrement cessé. Moscou n’apprécie pas la faible capacité de paiement de Pyongyang, et Pékin est extrêmement mécontent de sa politique. On peut ajouter que fin décembre 2016, après l'essai de bombe thermonucléaire, le président de la Russie Vladimir Poutine a interdit de livrer à la Corée du Nord tout armement léger. Le slogan « compter sur ses propres forces », qui est la pierre angulaire de la politique de la République populaire démocratique de Corée, est entièrement justifié dans la situation  internationale actuelle, quand les institutions supranationales appelées à défendre les intérêts et à assurer la sécurité de tous les pays participants, en réalité soit présentent une totale inefficacité, soit servent ouvertement les pays riches - et avant tout les États-Unis.

Le destin tragique de la Yougoslavie, de l'Iraq, de la Syrie et de la Libye, montre que le régime de droit international existant sur la planète ne fonctionne pas et n’est pas en état de protéger l'indépendance et l'intégrité territoriale d'un pays qui n’est pas lui-même capable de façon indépendante, soit de repousser les coups de l'agresseur, soit au moins de lui infliger des pertes sérieuses. Peut-être la seule possibilité de défendre sa souveraineté dans une telle situation est la possession de l'arme nucléaire et des moyens balistiques associés. Le bouclier nucléaire de la République populaire démocratique de Corée est strictement défensif, il est vraiment risible d’imaginer que la Corée du Nord nourrisse des intentions agressives en ce qui concerne les États-Unis compte tenu de la disproportion des forces. Bien que toute la puissance de la propagande occidentale tente de persuader le monde entier de l'imprévisibilité et du caractère irréaliste de la direction de la Corée du Nord, ses dirigeants, depuis la création du pays, ont mené une politique étrangère tout à fait conséquente avec des tâches tout à fait évidentes, parmi lesquelles on n’observe pas d’intentions agressives. Entre autres, Pyongyang déclare que, vis-à-vis de la Corée du Sud, l'arme nucléaire ne sera pas utilisée quelles que soient les circonstances. De plus, il est facile de remarquer que les États-Unis et le régime de Séoul, qui dépend d’eux, provoquent constamment et d'une manière délibérée la Corée du Nord. Ce sont les manoeuvres répétées avec la planification d’attaques contre la RPDC, pendant lesquelles se déroule la préparation de débarquement de troupes et ce à proximité directe des frontières, ce qui ne ressemble pas à des manoeuvres ordinaires, et les apparitions constantes dans la péninsule coréenne ou à proximité des armes nucléaires américaines. La politique d'agression des États-Unis dans la péninsule n’est pas seulement dirigée contre la Corée du Nord. La tension soigneusement entretenue par les États-Unis leur a permis de créer dans la péninsule coréenne une place forte contre la République populaire de Chine, et, naturellement aussi contre la Russie. C'est en particulier le cas des dispositifs de défense antimissiles qui sont déployés sur le territoire de la Corée du Sud. Au vu de tout ce qui précède apparaît une question évidente : qui est le plus coupable de violation du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, la RPDC ou les États-Unis, qui ne laissent pas à ne laissent pas d'autre choix à Pyongyang ?

Quand le seul garant de la souveraineté nationale et de la sécurité est le bouclier nucléaire, aucune sanction n'obligera pas à s’en séparer. À propos du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, comme on le sait, la Corée du Nord n’en est pas signataire de même que l'Inde, le Pakistan et Israël. Et en outre, ce dernier, à la différence de la RPDC, mène réellement une politique d'agression, en portant de temps en temps des coups aux pays voisins et en menaçant de guerre l'Iran et en évoquant la possibilité d'une frappe nucléaire. Cependant, personne ne soulève de questions sur le programme illégal balistique et nucléaire de l'État juif. Où est la raison d’une sélectivité si surprenante ? La question est purement rhétorique concernant les États-Unis.

Mais nous sommes beaucoup plus inquiets de la position de la Russie, dont les représentants ont qualifié maintes fois les sanctions économiques de l'Ouest de « contre-productives et sans perspectives ». Et on peut utiliser des mêmes mots pour caractériser les sanctions que notre pays a l'intention d'appliquer à Corée du Nord. Elles ne pousseront pas Pyongyang à tourner le dos à l'indépendance et à la sécurité et sont seulement à même de détériorer les relations entre nos deux États. La RPDC est un pays original, plusieurs de ses traditions et de ses orientations nous semblent étranges et incompréhensibles, mais cette circonstance ne peut en aucune façon mettre en doute le droit de vivre des Coréens, conformément aux valeurs qu’ils ont choisies. Notre département de politique extérieure a affirmé plus d'une fois avec fermeté ce droit souverain. Mais le droit ne peut avoir de sens que s'il est confirmé et protégé. Dans la situation concrète donnée il se trouve que la Russie joue un jeu étranger, selon des règles étrangères fausses, selon les règles de ces forces, qui veulent voir le monde non comme un ensemble de pays libres et souverains mais comme un camp de concentration mondial sous la direction de l'oligarchie financière, camp dans lequel les États-Unis jouent le rôle du principal gardien-surveillant.

Boris Djerelievsky (journaliste indépendant)

Traduction du russe : AAFC - YB.

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