Le gouvernement sud-coréen s’apprête à renflouer une nouvelle fois les chantiers navals Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering à hauteur de 2,4 milliards d’euros. La baisse du prix du pétrole et le ralentissement de l’économie mondiale frappent de plein fouet la construction navale qui fut l’un des fers de lance du développement économique du pays qui s’est imposé dans les années 1990 au second rang mondial après le Japon, avant de le supplanter à son tour puis de perdre sa domination mondiale en étant à son tour détrôné par la Chine. Un nombre important d’emplois sont en jeu dans une crise dont les retentissements sont perceptibles jusqu’en France avec le feuilleton de la reprise des chantiers STX de Saint-Nazaire.
L’économie sud-coréenne a connu une croissance impressionnante sous le régime autoritaire du Général Park Chung-hee, Président de la République de 1961 à 1979, arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat militaire. Ce dernier a opté pour un développement planifié sous la forme de plans quinquennaux à travers une forte proximité entre le milieu des affaires et le milieu politique.
En 1967, au cœur du deuxième de ces plans, la construction navale a été considérée comme constituant l’un des principaux moteurs de la croissance future.
Ainsi, en partant de zéro dans ce secteur, les différents conglomérats, qui bénéficiaient de relations privilégiées avec le pouvoir, se sont lancés avec un remarquable succès dans la construction navale, tel Hyundai qui avec son fondateur Chung Ju-yung deviendra le leader du secteur quelques années plus tard.
De nos jours, les trois premiers constructeurs mondiaux sont coréens - Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering, Hyundai Heavy Industries et Samsung Heavy Industries – mais leur suprématie est remise en cause par trois principaux facteurs
- la concurrence à bas coût venue de la Chine ;
- le ralentissement de l’économie mondiale ;
- le faible prix du pétrole.
Ces trois entreprises ont perdu ensemble 4,9 milliards de dollars en 2015, après des pertes qui s’élevaient déjà à 2,5 milliards de dollars en 2014.
Compte tenu de ces dettes considérables (tout particulièrement en ce qui concerne Daewoo), le gouvernement de Séoul n’a eu de cesse de renflouer ces sociétés selon le dicton américain bien connu du « Too big to fail » (« trop important pour tomber »)
En effet, les enjeux économiques et sociaux sont colossaux, on parle de 50 000 emplois détruits en cas de faillite du seul Daewoo Shipbuilding sans compter les conséquences qui s’ensuivraient pour les quelque 1 300 sous-traitants.
« Les constructeurs navals sud-coréens sont ceux que l’on appelle communément les industries cheminées, qui sont de grande taille, emploient de nombreuses personnes avec des syndicats puissants et doivent beaucoup d’argent aux banques » indique l’économiste Oh Suk-tae. « Le gouvernement sud-coréen ne peut tout simplement pas les laisser couler à cause de leur importance politique, peu importe l’argent que cela coûtera pour les sauver », ajoute-t-il.
La situation serait susceptible de s’améliorer selon l’analyste Choi Jae-hyung si les prévisions de hausse du prix du baril de brut au-delà de 60 dollars se réalisaient. Il nous prévient cependant que l’âge d’or de la construction navale coréenne est terminé.
Selon lui, « même si la tendance du marché se retourne, il est difficile d’envisager de revivre les jours glorieux de ce secteur ».
Daewoo Shipbuilding, Hyundai Heavy et Samsung Heavy devraient réduire leurs effectifs de 16 000 personnes en 2018.
Pour limiter les conséquences au niveau de l’emploi et participer au regain de compétitivité de l’entreprise, les salariés de Daewoo Shipbuilding ont accepté de diminuer leurs salaires : « La direction nous a récemment informé d’une baisse de 10% des salaires, et nous avons conscience que cette demande est raisonnable » a déclaré le principal syndicat de l’entreprise. « Nous voulons qu’il soit établi que le syndicat souhaite discuter avec la direction pour arriver à un compromis satisfaisant », dit-il, proposant la mise en place d’un conseil composé de quatre parties : les syndicats, la direction, le gouvernement et les créanciers.
La création de ce conseil afin de partager le fardeau est selon le syndicat la seule alternative existante si jamais les créanciers décidaient d’exécuter leurs projets sans le consentement des travailleurs.« Nous savons que le fait de verser continuellement l’argent des contribuables dans Daewoo Shipbuilding est l’objet de critiques et nous les trouvons légitimes. Cependant, un nombre considérable de travailleurs a déjà quitté l’entreprise et ceux qui restent ont vu leurs salaires ainsi que leurs conditions de travail se détériorer », avance-t-il.
La Corée du Sud semble devoir se trouver un nouveau modèle, les recettes qui ont fait ses éblouissants succès économiques ne fonctionnant plus aussi bien que par le passé. Les différents conglomérats, jadis tout puissants, sont sous le feu des critiques pour leurs échecs commerciaux et leur collusion avec les élites politiques du pays. La présidente Park Geun-hye, qui représentait pour certains un retour à l’ordre ancien de son père, est maintenant destituée et sous la menace d’une mise en examen imminente.
Ce qui était accepté par le peuple par nécessité de sortir de la pauvreté dans les années du régime militaire est désormais considéré comme intolérable dans une société qui revendique une nouvelle façon de vivre sa modernité.
Sources :
DSME labor union willing to share burden
The labor union of the troubled Daewoo Shipbuilding and Marine Engineering (DSME) said it is willing to share the burden including accepting pay cuts. As institutional investors, including the ...
http://koreatimes.co.kr/www/news/biz/2017/03/602_226328.html
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http://www.koreatimes.co.kr/www/news/biz/2013/12/291_69561.html
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