Depuis sa défection en Corée du Sud avec sa famille, l'ancien numéro deux de l'ambassade nord-coréenne à Londres, Thae Yong-ho, multiplie les déclarations publiques qui, à chaque fois, font l'objet d'une large couverture médiatique. Dernier "scoop" en date : un entretien donné au Wall Street Journal dans lequeil il déclare que les jours du régime nord-coréen sont comptés car la révolte gronderait - tout particulièrement au sein des élites... Mais qui est ce transfuge dont les prédictions à la Nostradamus sont paroles d'évangile pour le journaliste lambda ?
A chaque apparition publique Thae Yong-ho a droit au même traitement médiatique : cette déclaration serait exceptionnelle, sans précédent, et il serait un des plus hauts dignitaires nord-coréens à avoir fait défection. Alors, forcément, il saurait bien des choses.
En quelques mois Thae Yong-ho a remplacé Hwang Jang-yop, ancien secrétaire du Parti du travail de Corée ayant fait défection au Sud en 1997, et qui, lui aussi, était devenu la coqueluche des néo-conservateurs de toutes nationalités, si désireux d'entendre un défecteur dire ce qu'ils voulaient entendre : la Corée du Nord doit s'effondrer, la Corée du Nord va s'effondrer. Hwang Jang-yop est mort en 2010, avant que ne soit dressé l'acte de décès de la République populaire démocratique de Corée. Mais il a un digne successeur en Thae Yong-ho.
Sauf que Thae Yong-ho n'est pas Hwang Jang-yop : diplomate en poste à l'étranger pendant de longues années avant sa défection, même pas chef de poste diplomatique, il ne recevait qu'un écho lointain et assourdi des luttes de pouvoir dans les cercles nord-coréens. Il n'avait accès à aucun dossier sensible, notamment sur les questions militaires, et n'était pas un intime des cercles dirigeants. En d'autres termes, ce n'est certainement pas un défecteur de haut niveau, seulement un diplomate parmi des centaines d'autres, bien que très proche des milieux de renseignement nord-coréens. Ses opinions n'ont aucune valeur d'expertise.
Alors, comment en est-il arrivé là ? A ce que chacune de ses déclarations soulève des dizaines d'articles dans la presse internationale, et récemment à plusieurs reprises dans les médias français ? Certes, ce qu'il a à dire est spectaculaire, mais comment en est-il arrivé à ce qu'il se fasse en plus passer pour ce qu'il n'est pas - un défecteur de si haut rang, à en croire les médias qui rapportent ses propos, qu'on finirait par croire qu'il était le bras droit de Kim Jong-un ?
La vérité est probablement à chercher dans le parcours de Thae Yong-ho. Sa famille n'avait pas à se plaindre de son mode de vie en Corée du Nord, ou à l'étranger. Il n'y a pas de victimes parmi ses proches - au contraire. Mais une fois arrivé en Corée du Sud, Thae Yong-ho a bien dû vivre, ne serait-ce que pour payer les très chères études de ses enfants. Alors, il a fait ce qu'il savait faire : du renseignement. Et il est allé se vendre aux services secrets sud-coréens, qui en ont fait un personnage mythique, un défecteur de haut rang, qui, pour continuer à toucher son salaire, doit dire ce que les services secrets répètent inlassablement : que la Corée du Nord va s'effondrer, que la Corée du Nord doit s'effondrer. Et Thae Yong-ho s'acquitte de ses nouvelles fonctions en serviteur zélé de ses nouveaux maîtres, avec le soutien de médias complices des services de renseignement sud-coréens qui savent faire fonctionner la grosse caisse médiatique et la machine à propagande.