Le 14 décembre 2016, l'émission de géopolitique du collectif Comaguer (Comprendre et agir contre la guerre), animée par Bernard Genet sur la radio associative marseillaise Radio Galère le deuxième mercredi de chaque mois de 20h à 21h30, était consacrée à la Corée. Les intervenants de cette émission étaient Robert Charvin et Benoît Quennedey, tous deux vice-président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC).
Comme toujours, l'émission a d'abord resitué de manière très pédagogique la question coréenne, caractérisée par la division du pays entérinée par la guerre de Corée (1950-1953) après la libération de la colonisation japonaise en 1945, dans son contexte géographique, historique et politique : la Corée a développé une culture nationale spécifique très ancienne, marquée par l'influence de la Chine mais distincte des civilisations chinoise et japonaise. L'unité nationale coréenne a été réalisée il y a plus de 1 000 ans - faisant ressortir avec d'autant plus d'acuité le drame qu'a constitué la partition du pays. Par ailleurs, de par sa situation géographique, la Corée a été victime des rivalités et appétits de ses grands voisins, japonais, chinois et russe, et dans la période la plus récente, les Etats-Unis - ce qu'illustre le proverbe coréen "Quand les baleines se battent, les crevettes trinquent" - les Coréens figurant les crevettes et les puissances voisines de la Corée les baleines. Aujourd'hui encore, l'intérêt américain pour la péninsule coréenne - où ils entretiennent toujours 28.500 GIs dans le Sud - s'inscrit dans le recentrage de la puissance militaire américaine sur la région Asie-Pacifique. De ce point de vue, les programmes nucléaire et balistique de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) servent de prétexte commode à Washington pour justifier sa présence militaire croissante, tout autant - sinon davantage - justifiée par la volonté d'endiguer la montée en puissance de la Chine et de la Russie.
Benoît Quennedey a rappelé que l'Association d'amitié franco-coréenne avait été fondée en 1969, pour promouvoir la paix et la réunification dans la péninsule coréenne, et à cette fin favoriser les échanges entre la France et l'ensemble de la Corée, à une époque où Séoul, au Sud, était toujours officiellement la capitale de la République populaire démocratique de Corée, et où la Corée du Nord était traitée de "régime fantoche" par la Corée du Sud. L'ouverture d'un dialogue intercoréen, engagé en 1972 (mais interrompu dès 1973) et mené de manière constante depuis 1991, a permis de faire coïncider les représentations (un pays, deux Etats) avec la réalité géopolitique. Ces évolutions ont eu lieu à la faveur de la démocratisation de la Corée du Sud, et après une sévère pénurie alimentaire au Nord qui a conduit à la mise en oeuvre, à partir de 2002, de mesures économiques ayant fait évoluer le système économique et social. La situation politique récente en Corée du Sud a cependant rappelé la fragilité du processus pour la démocratie et la paix : à partir de 2008, le retour au pouvoir des conservateurs à Séoul a sapé l'ensemble des fondements du rapprochement Nord-Sud, tandis que la Corée du Sud s'est engagée sur une voie de plus en plus autoritaire. A cet égard, le récent vote par le Parlement d'une motion de destitution de la Présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye a ouvert l'espoir du retour à Séoul d'un pouvoir démocratique ne favorisant plus l'escalade des tensions et la marche à la guerre.
Pour sa part, Robert Charvin a souligné comment la République populaire démocratique de Corée avait été amenée à se doter d'une force d'auto-dissuasion nucléaire pour prévenir le risque de connaître un sort analogue à ceux de l'Irak en 2003 et de la Libye en 2011 - la Corée du Nord plaidant par ailleurs pour un désarmement nucléaire général et conjoint de l'ensemble des Etats dotés de l'arme nucléaire, tandis que les Etats-Unis, si prompts à renforcer les sanctions contre la Corée du Nord après chaque essai nucléaire ou lancement de satellite de Pyongyang, poursuivent pour leur part leur programme nucléaire, mais par d'autres moyens que les essais souterrains conduits par la RPDC. Face à cette politique du "deux poids deux mesures" traduisant un détournement des principes du droit international public, les Nord-Coréens entendent construire le "socialisme à la coréenne", dans le respect de leur souveraineté et de leur indépendance nationale.
Ecouter l'intégralité de l'émission de Comaguer à l'adresse suivante (émission du 14 décembre 2016) :
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