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17 juillet 2016 7 17 /07 /juillet /2016 19:02

Attaché scientifique à la Cité des sciences et de l'industrie, Pierre Ricono s'est spécialisé dans les médecines asiatiques dites traditionnelles : auteur notamment d'un ouvrage sur la médecine tibétaine, il a publié en mai 2016, aux éditions Grancher, un ouvrage extrêmement didactique et éclairant sur la médecine coréenne, l'une des médecines traditionnelles les plus élaborées d'Asie de l'Est et qui cohabite en bonne harmonie avec la médecine occidentale au pays du Matin calme.

Les médecines traditionnelles ont mauvaise presse en Occident, les laboratoires pharmaceutiques du "Big Pharma" jouant en ce domaine un rôle fondamental pour vilipender des procédés qui ne génèrent pas suffisamment de profits.
Pourtant, en Corée, la médecine traditionnelle (en anglais, traditional Korean medicine, TKM) a fait ses preuves : après avoir été accueilli dans le laboratoire du Docteur Han Dong-han à Séoul (qui a préfacé son livre), Pierre Ricono donne quelques chiffres éloquents qui suffiraient à prouver, si besoin était, que le perfectionnisme coréen a investi avec succès une médecine ancienne de plusieurs milliers d'années, profondément ancrée dans le patrimoine national après avoir fait l'objet d'une sévère répression pendant la colonisation japonaise (1910-1945), et aujourd'hui clairement distincte de la médecine chinoise :

- en Asie du Nord-Est, la Corée du Sud qui compte une proportion plus élevée de tradipraticiens (15 %) que la Chine (13 %) et le Japon (seulement 1 %) ;

- elle est dispensée dans 11 universités privées, et donne lieu désormais à un cursus universitaire analogue à celui de la médecine conventionnelle ;

- 86 % de la population sud-coréenne recourt régulièrement à la médecine coréenne traditionnelle, cette proportion étant probablement encore plus élevé au Nord de la péninsule où, observe Pierre Ricono, "la médecine traditionnelle - ou Koryo - est si intégrée au système national de santé que les soins de TKM et les soins de médecine conventionnelle sont dispensés dans les mêmes établissements".

Dressant l'historique de la médecine coréenne, Pierre Ricono met l'accent sur la médecine traditionnelle la plus développée en Corée, la médecine dite Sasang (littéralement, les quatre - sa - constitutions - sang) qui adapte le traitement en fonction de la constitution du patient. La médecine constitutionnelle Sasang (SCM) est inspirée de la philosophie Sasang, comme l'explique Pierre Ricono :

La philosophie Sasang organise et classe tous les phénomènes, y compris l'énergie, la matière de l'univers, la vie et le vivant, à travers une boussole à quatre axes, quatre habitus : l'activité humaine, l'esprit (caractère), le corps (forme et constitution physique) et la matière (constituants, biologie, physiologie). La théorie Sasang établit les êtres humains sur deux niveaux : l'esprit et le corps. L'esprit est ensuite subdivisé en quatre expressions : la disposition innée de sa nature émotionnelle (seong-jeong) s'exprime en douleur, colère, joie et contentement (plaisir). Le corps est lui aussi divisé en quatre systèmes en considérant les quatre principaux organes : les poumons, la rate-pancréas, le foie et les reins. Cette théorie quaternaire systémique forme le contour de l'étude de la physiologie et de la psyché humaine par la SCM.

La médecine constitutionnelle Sasang est notamment issue des travaux de Lee Jema, auteur en 1893 du Dongui Susebowon, ouvrage classique réédité à de multiples reprises (1911, 1913, 1921, 1936, 1941 pour les sept premières éditions, avec celle de 1893). Lee Jema répartit les individus en quatre types, en s'inspirant du yin (ou eum) et du yang : le grand yang (tae-yang), le grand eum (tae-eum), le petit yang (so-yang), le petit eum (so-eum).

Pierre Ricono permet ensuite aux lecteurs de se situer dans l'une de ces quatre catégories, sur la base de questionnaires, avant de décliner une approche globale en fonction du type dont chacun relève - nous parlons bien d'approche globale dans la mesure où elle n'est pas seulement médicale (préserver la santé), mais a aussi des implications sociales (contrôle des émotions) et comportementales (exercices physiques, pratiques alimentaires - y compris tisanes et thés médicinaux) avant une approche en termes de pharmacopée et de thérapies externes (bains coréens, ventouses, moxibustions, acupuncture, massage).

L'ABC publié par Pierre Ricono aux éditions Grancher est, manifestement, l'ouvrage de référence le plus à jour sur la médecine coréenne en langue française.

Références auprès de l'éditeur :

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