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10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 13:15

Le 10 février 2016, en rétorsion contre le lancement d'un satellite par la RPDC trois jours plus tôt, les autorités de la République de Corée (Corée du Sud) ont annoncé la "suspension" des activités de la zone économique intercoréenne de Kaesong, au Nord de la péninsule, où 124 entreprises du Sud emploient 54 000 ouvriers nord-coréens dans des activités manufacturières. Cette décision unilatérale est un mauvais coup porté aux relations intercoréennes, alors que les échanges intercoréens - 2 milliards de dollars par an - sont à présent presque exclusivement limités aux activités de la zone de Kaesong, après que les "mesures du 24 mai" (2010) eurent déjà pratiquement suspendu tous les autres courants d'échanges.

La zone économique intercoréenne de Kaesong

La zone économique intercoréenne de Kaesong

Dans le bras-de-fer entre les deux Corée, il est de bon ton, dans les médias occidentaux, de présenter le Nord comme un Etat provocateur ne respectant pas ses engagements, et le Sud comme responsable et ouvert au dialogue. Cette idée reçue est pourtant sans cesse contredite par les faits.

Depuis le retour au pouvoir des conservateurs à Séoul en février 2008, ces derniers n'ont de cesse de saper un par un les fondements du dialogue intercoréen, patiemment mis en place par leurs prédécesseurs démocrates pendant la décennie de la "politique du rayon de soleil" (1998-2008). La zone économique intercoréenne de Kaesong avait jusqu'à présent résisté aux vicissitudes de l'évolution des relations Nord-Sud : tel n'est plus le cas avec la décision du gouvernement de Mme Park Geun-hye, ce 10 février 2016, de "suspendre" les activités de cette zone. Ce faisant, la fille du très auritaire général Park Chung-hee, qui avait gouverné la Corée du Sud d'une main de fer entre 1962 et 1979, fait un pas que même son prédécesseur, le Président Lee Myung-bak, n'avait osé franchir. En outre, elle trahit ouvertement l'engagement que son gouvernement avait pris le 14 août 2013 avec la RPDC - suite à une première suspension des activités de la zone de Kaesong pendant quatre mois en 2013 - de ne pas soumettre celles-ci aux aléas des relations géopolitiques. En effet, cet accord stipulait, en son point 1 :

 

Le Sud et le Nord tâchent de ne pas répéter une suspension du complexe par l’interdiction de son accès ou par le retrait des travailleurs et de garantir la normalité des activités, comme l’accès du personnel sud-coréen au complexe, le travail des ouvriers nord-coréens et la protection des biens des entreprises, quelle que soit la situation géopolitique.

Ce non-respect des engagements a été justifié par le fait que, selon le désormais bien mal-nommé ministère sud-coréen de la "Réunification", les 100 millions de dollars de devises que retirerait chaque année le Nord du fonctionnement du complexe industriel serviraient au développement des programmes militaires et spatiaux. Evidemment, une telle corrélation est des plus douteuses, car elle supposerait de tracer l'affectation de chaque dollar de la RPDC... mais ce faisant, Mme Park Geun-hye et ses ministres entonnent l'un des airs favoris des néoconservateurs américains et sud-coréens, selon lesquels il faut étrangler économiquement la RPDC, quelles que puissent être les conséquences catastrophiques - notamment humanitaires - produites, dans tous les pays du monde et à toutes les époques, par une politique d'embargo cynique, étrangère au bien-être des populations.

Accessoirement, les chefs d'entreprise sud-coréens présents à Kaesong vont être, une nouvelle fois, les victimes collatérales de la politique nord-coréenne des "faucons" sud-coréens, ce qu'ils ont immédiatement déploré. Séoul leur a promis une indemnisation, dont les modalités et le montant n'ont évidemment pas été précisés. 

Enfin, en choisissant de se retirer volontairement de la RPD de Corée, la Corée du Sud est amenée à disparaître économiquement du champ des échanges internationaux de la Corée du Nord, qui deviendrait ainsi encore un peu plus dépendante de ses relations avec la Chine. Avant sa disparition, l'ancien président sud-coréen Kim Dae-jung, à l'origine de la politique sud-coréenne du "rayon de soleil" d'ouverture au Nord, avait exprimé la crainte que la RPD de Corée ne soit absorbée économiquement par la Chine, contrariant ainsi toute perspective future de réunification. C'est ce scénario catastrophe qu'a décidé de réaliser, en pleine connaissance de cause, la Présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye. Décidément, à Séoul, il n'y a pas que dans le domaine des droits politiques et sociaux que s'opère un retour vers le passé.

Sources :

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commentaires

L
Très bonne décision de Séoul pour que la RDPC ne croit pas qu'elle peut tout faire sans conséquence.
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