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9 janvier 2016 6 09 /01 /janvier /2016 11:39

Après la conduite le 6 janvier 2016 d'un essai nucléaire que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a présenté comme celui d'une bombe H, une déclaration du favori à la primaire républicaine aux Etats-Unis Donald Trump - déclarant qu'il fallait envisager des sanctions contre la République populaire de Chine si elle ne changeait pas sa politique nord-coréenne - a révélé sa profonde ignorance de la politique nord-coréenne de la Chine. Si Pékin et Pyongyang partagent des intérêts stratégiques et économiques communs, la Chine a en effet vivement condamné l'essai nucléaire nord-coréen - comme les précédents conduits en 2006, 2009 et 2013 - et a appuyé, au sein du Conseil du Sécurité des Nations Unies, une déclaration tendant au renforcement du régime international de sanctions contre Pyongyang. Cet article vise à rappeler les enjeux que représente la RPDC pour la Chine.

Le Maréchal Kim Jong-un de la RPDC et le Liu Yunshan, secrétaire exécutif du Parti communiste chinois, lors des cérémonies ayant célébré, à Pyongyang, le 70e anniversaire de la fondation du Parti du travail de Corée, le 10 octobre 2015.

Le Maréchal Kim Jong-un de la RPDC et le Liu Yunshan, secrétaire exécutif du Parti communiste chinois, lors des cérémonies ayant célébré, à Pyongyang, le 70e anniversaire de la fondation du Parti du travail de Corée, le 10 octobre 2015.

L'amitié et la solidarité sino-nord-coréenne est ancienne, depuis la participation des volontaires chinois aux combats de la guerre de Corée (1950-1953) et la signature, en 1961, d'un traité d'amitié, de coopération et d'assistance mutuelle - prévoyant une assistance mutuelle en cas d'attaque militaire de l'une des deux parties. Dans ce contexte, des hauts représentants chinois participent aux principales commémorations à Pyongyang - au niveau du vice-président de la République lors de la célébration de la fin de guerre de Corée en juillet 2013, et du secrétaire exécutif du Parti communiste chinois en octobre 2015, pour le 70e anniversaire de la fondation du Parti du travail de Corée. Représentant près de la moitié du commerce extérieur de la RPDC, les échanges commerciaux sino-nord-coréens - qui approvisionnent notamment la Corée du Nord en pétrole et en céréales, et la Chine en minerais, charbon et autres matières premières - ont pour pendant des investissements chinois en RPD de Corée, pour un montant au moins égal à 1 milliard de dollars, notamment dans le secteur des matières premières. Ces échanges s'effectuent aux conditions du marché, voire de manière plus favorable pour les investisseurs chinois.

Au regard de l'ancienneté, de l'étendue et de la diversité de leurs relations, la Chine fait de la stabilité de la péninsule coréenne un de ses objectifs de diplomatie, tout en encourageant la RPDC à adopter des réformes économiques similaires aux siennes pour accroître son rythme de développement économique. Les voyages en Chine de l'ancien dirigeant nord-coréen Kim Jong-il - alors que son successeur ne s'y est pas rendu depuis son accession aux plus hautes responsabilités du Parti et de l'Etat -  fin 2011 et début 2012 ont témoigné d'une influence du "socialisme de marché" à la chinoise sur les "mesures économiques" adoptées par la RPD de Corée depuis 2002, même si les réformes nord-coréennes ne sont aussi ni linéaires, ni aussi systématiques que dans la Chine des années 1980.

Après le premier essai nucléaire nord-coréen en d'octobre 2006, la Chine a fortement promu, tout en hébergeant les sessions de pourparlers, le dialogue à six (les deux Corée, la Chine, les Etats-Unis, la Russie et le Japon) pour résoudre pacifiquement la question nucléaire dans la péninsule coréenne. L'accord conclu à Pékin en février 2007 validait apparemment l'efficacité de la voie diplomatique. Mais les Etats-Unis et la Corée du Nord se sont accusés mutuellement de non-respect de leurs engagements, conduisant à une escalade des tensions marquées par un accroissement des exercices militaires américano-sud-coréens, la poursuite du programme nucléaire militaire et balistique nord-coréen et l'adoption en conséquences de sanctions toujours plus lourdes par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Dans ce contexte, et alors que le dirigeant chinois Xi Jinping a davantage mis l'accent sur les relations avec les deux Corée (la Corée du Sud et la Chine étant devenues des partenaires économiques majeurs), l'essai nucléaire nord-coréen de février 2013 a amené les autorités chinoises à renforcer leurs contrôles dans l'application des sanctions internationales, tout en gelant les avoirs de la RPDC dans la Foreign Exchange Bank. Des voix plus nombreuses - même si elles n'étaient pas les premières - se sont élevées en Chine pour remettre en cause l'alliance traditionnelle avec Pyongyang, et les gouvernements occidentaux ont espéré un changement de la politique nord-coréenne de la Chine, qui ne s'est toutefois pas produit malgré des ajustements et des infléchissements qui devraient se poursuivre après l'essai du 6 janvier dernier - notamment en ce qui concerne l'application des sanctions, le commerce bilatéral et plus particulièrement les livraisons d'hydrcocarbures nécessaires à l'économie nord-coréenne qui souffre toujours de pénuries d'énergie. Par ailleurs, la diplomatie chinoise est définie au plus haut niveau, et il ne faut pas surestimer l'influence de ceux qui préconisent en Chine même un changement de politique.

Après le rapprochement entre Pékin et Pyongyang opéré en 2015, les autorités chinoises ne peuvent qu'être irritées de la poursuite par la RPD de Corée d'une politique qui lui est propre, qu'elle définit elle-même sans concertation avec la Chine, et qui pourrait conduire à ce que d'autres Etats de la région (Corée du Sud et surtout Japon), qui expriment une certaine défiance vis-à-vis de la Chine, se dotent à leur tour de l'arme nucléaire. Par ailleurs, les tensions occasionnent un renforcement de la présence militaire américaine en Corée du Sud, déjà dirigée contre Pékin - comme en témoigne la construction de la base navale dans l'île sud-coréenne de Jeju. Enfin, le rapprochement nippo-sud-coréen, fin 2015, sur la question des "femmes de réconfort" (anciennes esclaves sexuelles de l'armée impériale japonaise)  est pleinement favorable aux intérêts américains pour forger une alliance tripartite visant implicitement la Chine - et alors même que les femmes de réconfort chinoises sont - avec d'autres - les grandes oubliées de l'accord Tokyo-Séoul du 28 décembre 2015. Le renforcement des sanctions internationales contre la Corée du Nord est enfin défavorable aux intérêts économiques chinois en RPDC. A plus long terme, la politique de sanctions des Etats-Unis et de leurs alliés tend à un étranglement économique visant à l'effondrement de la Corée du Nord - qui entraînerait une réunification sous l'égide du Sud pro-américain, héritant de l'arme nucléaire, et conduirait à l'accroissement des flux de réfugiés nord-coréens vers la Chine tout en créant une région d'instabilité et de trafics en tous genres à la frontière chinoise. Pékin est particulièrement concerné par les implications d'un tel scénario catastrophe.

Que Pékin appelle une nouvelle fois au dialogue entre toutes les parties et à la retenue est dans la continuité de sa politique coréenne. Il y a toutefois fort à parier que la Chine envisage d'autres voies pour y parvenir, utilisant ses relations avec toutes les parties, mais qui ne correspondront pas à un alignement sur les intérêts de Washington et Séoul, lesquels ne sont pas ceux de Pékin au-delà, à court terme, du renforcement des sanctions.

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