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23 octobre 2015 5 23 /10 /octobre /2015 16:39

Le 17 octobre 2015, le ministère des Affaires étrangères de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a publié une déclaration appelant les Etats-Unis à remplacer l'accord d'armistice ayant mis fin aux combats de la Guerre de Corée en 1953 par un véritable traité de paix. Le 1er octobre, à la tribune de la 70e Assemblée générale des Nations Unies, le ministre des Affaires étrangère de la RPDC, Ri Su-yong, avait déjà rappelé que la paix sur la péninsule coréenne est très fragile et que, si les Etats-Unis consentent à changer l'accord de trêve en traité de paix, la RDP de Corée est prête à avoir un dialogue constructif avec eux. Hélas, l'administration du président américain Barack Obama - prix Nobel de la paix 2009 - s'entête à refuser la conclusion d'un tel traité pourtant de nature à garantir une paix durable dans un des principaux foyers de tension du monde. La perspective d'une paix véritable en Corée n'est pourtant pas une vue de l'esprit, comme le prouve, par exemple, le projet rédigé en 2008 par des juristes sud-coréens, et relayé en France par l'Association d'amitié franco-coréenne. Encore faut-il que toutes les parties en présence veuillent la paix, ce qui, à l'évidence, n'est pas le cas des Etats-Unis.

Le ministre des Affaires étrangères de la RPD de Corée, Ri Su-yong, s'exprimant à la 70e Assemblée générale des Nations Unies le 1er octobre 2015

Le ministre des Affaires étrangères de la RPD de Corée, Ri Su-yong, s'exprimant à la 70e Assemblée générale des Nations Unies le 1er octobre 2015

Voici la traduction française de la déclaration du ministère des Affaire étrangères de la RPDC en date du 17 octobre 2015, à partir de la version anglaise diffusée par l'agence nord-coréenne KCNA :

Comme le monde le sait déjà, la RPDC a exposé clairement lors de la récente 70e Assemblée générale des Nations Unies sa position juste et honnête quant au remplacement de l'Accord d'armistice en Corée par un traité de paix.
Cela était rendu nécessaire par le besoin urgent de désamorcer les risques d'une guerre provoquée par les menaces potentielles dans la péninsule coréenne et de créer un climat pour une paix durable.
La situation qui a prévalu dans la péninsule en août dernier, quand un accident mineur a créé une situation délicate, a brusquement apporté la preuve définitive que l'actuel Accord d'armistice ne peut plus prévenir un conflit ni désamorcer les risques de guerre.
Un accord a été signé par le Nord et le Sud au prix de nombreux efforts grâce à l'attitude éprise de paix et à la patiente persévérance de la RPDC, mais il n'existe aucune garantie que l'accord sera maintenu et mis en application comme souhaité.
Cela est dû au fait que les autorités sud-coréennes, partie à l'accord, ne disposent d'aucune prérogative quant au commandement des forces armées en Corée du Sud et ne sont pas en position de refuser les exercices militaires conjoints imposés par les Etats-Unis.
Il est absolument clair que si un conflit éclate à nouveau dans la zone entourant la Ligne de démarcation militaire suite à l'escalade des tensions, il dégénérera en une incontrôlable guerre totale.
Le cours des négociations tenues jusqu'à présent pour régler la question de la péninsule coréenne a démontré qu'aucune question intéressant les pays impliqués, y compris les Etats-Unis, ne peut être réglée sans la conclusion préalable d'un traité de paix.
La RPDC a autrefois discuté de la question de la dénucléarisation dans le cadre des pourparlers à six, tenant compte de l'affirmation des pays concernés selon laquelle cette question devait être d'abord traitée, et elle a simultanément discuté des moyens d'assurer la paix. Mais toutes ces négociations ont été vaines et, même si un accord partiel a été atteint, il n'a pas été mis en application.
Cela a été principalement dû à la persistance de la politique hostile des Etats-Unis à l'égard de la RPDC et à leurs provocations militaires telles que les exercices militaires menés à grande échelle et l'introduction de moyens de frappes nucléaires en Corée du Sud, leur plus vive manifestation, qui ont périodiquement gelé l'atmosphère de toute négociation et accru les tensions dans la péninsule.
Afin de mettre un terme définitif au cycle néfaste de l'escalade de la confrontation et des tensions il est nécessaire, avant toute chose, de remplacer l'Accord d'armistice par un traité de paix. Telle est la conclusion qu'en tire la RPDC.
Il y a deux moyens d'assurer la paix dans la péninsule.
Le premier est le moyen issu de la Guerre froide, qui voit la RPDC être dans l'obligation de renforcer de toutes les façons sa capacité d'autodéfense avec sa force nucléaire comme pivot afin de faire face à la menace nucléaire et aux provocations guerrières croissantes des Etats-Unis.
C'est entièrement grâce à la force de dissuasion nucléaire de la RPDC qu'une guerre totale est évitée dans la péninsule en état de cessez-le-feu.
Le second moyen consiste pour les Etats-Unis à renoncer à leur politique hostile à l'égard de la RPDC et à répondre à l'appel visant à signer un traité de paix avec elle afin d'assurer un paix véritable et durable basée sur la confiance.
Le remplacement de l'Accord d'armistice par un traité de paix est une question pour laquelle les Etats-Unis doivent prendre une sage décision afin qu'un accord de principe puisse être conclu entre la RPDC et les Etats-Unis, pour commencer.
Les Nations Unies, de leur côté, devraient apporter leur soutien positif à la signature d'un traité de paix et ainsi assumer leur responsabilité pour mettre fin à une situation anormale qui voit un de leurs pays membres être techniquement en guerre avec le "Commandement des Nations Unies" dans la péninsule coréenne.
Si l'instauration de la confiance entre la RPDC et les Etats-Unis aide à éliminer la source d'une guerre imminente, il est possible de mettre un terme final à la course aux armements nucléaires et de renforcer la paix.
Les Etats-Unis devraient abandonner l'idée de fuir sans raison la signature d'un traité de paix et avoir la prudence de faire le bon choix.
Si les Etats-Unis évitent de signer un traité de paix ou posent des conditions à l'heure où la situation dans la péninsule est à la croisée des chemins, cette attitude montrera clairement au monde qu'ils n'ont pas l'intention de renoncer à leur politique hostile à l'égard de la RPDC.
Si les Etats-Unis persistent dans leur politique hostile, ils ne feront qu'assister au renforcement illimité de la force de dissuasion nucléaire de la RPDC et à l'augmentation de ses forces armées révolutionnaires capables d'affronter toute forme de guerre qu'ils auront provoquée. 

L'administration américaine a décliné cette offre de la RPDC. Interrogé le 20 octobre par la commission des relations internationales du Sénat, l'ambassadeur Sung Kim, émissaire spécial du département d'Etat pour la Corée du Nord - et ancien ambassadeur des Etats-Unis en Corée du Sud -, a déclaré que les Etats-Unis ne sont pas intéressés par des négociations sur un traité de paix et font du programme nucléaire nord-coréen la question prioritaire :

En ce qui concerne la proposition de la Corée du Nord d'entamer les pourparlers sur un traité de paix, nous ne sommes pas intéressés de nous engager dans de telles discussions. La question nucléaire est prioritaire pour nous. Je crains que les Nord-Coréens ne choisissent des priorités erronées en proposant de sauter plusieurs marches, plusieurs marches très importantes, et de commencer directement des négociations sur un traité de paix.

Tous les pays ayant participé, de 2003 à 2008, aux négociations à six (deux Corée, Etats-Unis, Chine, Russie et Japon) sur le programme nucléaire nord-coréen ne sont pourtant pas de cet avis.

Ainsi, pour l'ambassadeur de la Fédération de Russie en Corée du Sud, Alexander Timonin, interrogé le 22 octobre par l'agence sud-coréenne Yonhap, le fait que la Corée du Nord a demandé à nouveau un traité de paix avec les Etats-Unis est à prendre en considération :

A mon avis, cela est certainement à noter, car la proposition vise à renforcer la paix sur la péninsule coréenne. La situation de cessez-le-feu ralentit la coopération entre le Sud et le Nord. Je pense que la reprise des pourparlers à six ne doit pas être liée à des conditions préalables. C'est la raison pour laquelle je pense que la proposition de Pyongyang est à noter. Je pense que cette proposition peut contribuer à créer un environnement pour la confiance sur la péninsule coréenne.

Compte tenu de la disproportion des forces en présence dans une péninsule coréenne techniquement en état de guerre et où les Etats-Unis stationnent toujours 28 000 soldats, en plus de moyens aéronavals déployés dans toute la région Asie-Pacifique, l'arme nucléaire apparaît pour la Corée du Nord comme un moyen de dissuasion rationnel. Cette doctrine de dissuasion, « du faible au fort », n'est d'ailleurs pas sans évoquer celle voulue pour la France en son temps par le général de Gaulle.

La question d'une paix véritable et durable en Corée est donc bien la question prioritaire, le programme nucléaire militaire nord-coréen étant une des conséquences de l'absence de paix. En feignant de l'ignorer, l'administration du prix Nobel de la paix 2009 Barack Obama ne fait qu'entretenir un foyer de tension en Asie du Nord-Est. Mais tel est peut-être le but recherché par les Etats-Unis, tant cette région est désormais un enjeu stratégique majeur pour eux.

 

Sources :

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