Depuis plusieurs semaines, un scoop a fait le tour de la planète : un expert nord-coréen en armes chimiques aurait fait défection en Europe, avec des révélations sur des expérimentations humaines... Il n'est sans doute pas anodin que ce type d' "information" surgisse au moment même où l'on apprend que de l'anthrax a été envoyé en Corée du Sud par les Etats-Unis (et l'information est, dans ce cas, établie et vérifiée), les Américains ayant par ailleurs été les premiers à expérimenter sur des êtres humains des armes chimiques et des armes biologiques... en Corée et en Chine, pendant la guerre (1950-1953). Le très sérieux The Diplomat a mené une enquête approfondie sur la prétendue défection de l'expert nord-coréen, avant de conclure : celle-ci a-t-elle vraiment eu lieu ?
Comme souvent, la "nouvelle" a déjà été donnée par un média sud-coréen proche des néoconservateurs au pouvoir à Séoul - en l'espèce, l'agence publique Yonhap, dans une dépêche en date du 2 juillet 2015 : le scientifique (appelé M. Lee) se serait envolé pour la Finlande le 6 juin, depuis les Philippines, emportant avec lui 15 Gbits d'informations sur les recherches en armes chimiques que mènerait la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), lesquelles impliqueraient des expériences sur des humains. Il était aussi précisé que le défecteur s'exprimerait devant le Parlement européen en juillet 2015.
Mais le 6 juillet Václav Lebeda, directeur général de la communication au Parlement européen, a déclaré à The Diplomat qu'aucune audition n'était prévue :
Il n'y a aucune réunion de prévue sur ce sujet avec une commission ou une délégation du Parlement européen.
Si M. Lebeda a précisé qu'un groupe politique du Parlement européen pouvait préparer une telle rencontre, il a déclaré n'avoir aucune information en ce sens à ce stade.
Le vendredi 10 juillet, Mme Kristina Elefterie, porte-parole du Parlement européen, a également indiqué que, après vérification avec les secrétariats des commissions du Parlement, il n'y avait aucune rencontre de prévue sur ce sujet en juillet.
Selon les médias finlandais, le gouvernement finlandais a nié avoir connaissance d'une quelconque défection d'un expert nord-coréen en armes chimiques. Dans un article publié le 6 juillet, le Helsinki Times a indiqué que ni le ministère des Affaires étrangères, ni le ministère de l'Intérieur, ni encore le service finlandais de l'immigration n'avaient été en mesure de confirmer le récit de l'agence Yonhap.
La source de Yonhap serait un groupe (anonyme) militant pour les droits de l'homme en Corée du Nord... ce qui conduit John Power, dans son article de The Diplomat, à formuler la remarque suivante :
Les sources anonymes sont la norme dans le paysage opaque des médias sud-coréens.
The Diplomat n'a pas été en mesure d'identifier ce groupe de défense des droits de l'homme en Corée du Nord, avant de rappeler que les rumeurs infondées sur la Corée du Nord étaient fréquentes. John Power a aussi observé que les accusations portées contre la RPDC en matière d'armes chimiques n'étaient pas nouvelles.
Mais à qui profite la désinformation, si cela semble être une fois encore le cas ? Pour leur part, les experts de la Corée du Nord savent, de longue date, que nombre d'histoires effrayantes sur ce pays sont fabriquées par les services de renseignement sud-coréens, avec le concours des médias conservateurs ou à capitaux publics. Bref, rien de nouveau sous le soleil de Séoul.
Source :
Did a North Korean Chemical Weapons Expert Actually Defect to Europe?
International media have seized on claims that a North Korean chemical weapons expert recently defected to Europe, taking with him data on human experimentation. But evidence for the claims remains
http://thediplomat.com/2015/07/did-a-north-korean-chemical-weapons-expert-actually-defect-to-europe/