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13 juin 2015 6 13 /06 /juin /2015 23:02

Il y a quinze ans, du 13 au 15 juin 2000, se tenait la première rencontre au plus haut niveau entre les dirigeants de la Corée divisée : Kim Dae-jung, Président de la République de Corée (du Sud), était reçu à Pyongyang par Kim Jong-il, Président de la Commission de la défense nationale de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). A l'issue de cette visite, les deux dirigeants ont signé, le 15 juin 2000, une Déclaration commune Nord-Sud, qui constitue la pierre angulaire de relations et de coopérations nouvelles entre les deux parties de la Corée divisée, en vue de la réunification de la péninsule, dont la division à la fin de la Seconde guerre mondiale a été entérinée par la création de deux Etats concurrents en 1948, puis par la guerre de Corée (1950-1953). Les perspectives nouvelles d'une réunification indépendante et pacifique de la Corée ont alors soulevé un immense espoir, en créant les conditions d'un dialogue et d'échanges mutuels sur des bases qui restent plus que jamais d'actualité. Si le retour au pouvoir des conservateurs à Séoul en 2008, avec les présidences Lee Myung-bak (2008-2013) et Park Geun-hye (depuis 2013), a marqué un coup d'arrêt aux progrès dans le rapprochement intercoréen en attisant de nouveau les tensions, la Déclaration commune Nord-Sud du 15 juin 2000 a permis d'avancer sur la voie de la coopération économique, culturelle et politique. Quinze ans après, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), fidèle à l'esprit de la Déclaration du 15 juin (tout comme de la Déclaration commune du 4 octobre 2007, adoptée lors de la deuxième rencontre au sommet Nord-Sud), appelle à analyser lucidement la situation actuelle, en ne sous-estimant ni les progrès accomplis, ni les obstacles posés par ceux qui s'opposent, aujourd'hui comme hier, à la réunification de la Corée.

Quinze ans après, la déclaration du 15 juin 2000 est toujours d'actualité pour la réunification de la Corée

Texte bref mais puissant, la Déclaration commune Nord-Sud du 15 juin 2000 rappelle tout d'abord qu'elle traduit "la noble volonté de tous les Coréens aspirant à la réunification pacifique de la patrie", ayant été conclue à l'issue de "la rencontre historique et des pourparlers au plus haut niveau" entre le Nord et le Sud, "premiers du genre depuis la partition de la nation", et qui "sont d'une importance faisant date pour promouvoir la compréhension mutuelle, développer les rapports Nord-Sud et réaliser une réunification pacifique".

Le Dirigeant Kim Jong-il et le Président Kim Dae-jung se sont accordés sur quatre points.

Le premier point concerne les principes de la réunification : "le Nord et le Sud ont décidé de résoudre en toute indépendance le problème de la réunification du pays grâce à l'union de toute notre nation qui en est responsable". La réunification de leur nation par les Coréens eux-mêmes en toute indépendance signifie le rejet de toute ingérence extérieure, tant des grandes puissances (responsables de la division du pays après la capitulation japonaise) que d'organisations internationales (il ne faut pas oublier que c'est au nom des Nations Unies que les Etats-Unis et leurs alliés sont intervenus militairement pendant la guerre de Corée). Si ce principe d'indépendance est un élément fondamental de la politique internationale de Pyongyang, il a en revanche connu une application bien différente au Sud : non seulement plus de 28 000 soldats américains stationnent toujours au Sud de la péninsule, mais en cas de conflit le commandement des forces combinées américano - sud-coréennes appartiendrait à Washington. Les administrations conservatrices aux manettes à Séoul depuis 2008 ne sont pas seulement pro-américaines ; elles ont entendu lier les relations intercoréennes à la question nucléaire, abordée dans un cadre multilatéral, ne faisant plus des Coréens les seuls maîtres de leur destin en tant que peuple aspirant à se réunifier.

Le deuxième point de la déclaration du 15 juin porte sur la volonté de concilier "le projet de fédération" du Nord et celui de "commonwealth" du Sud, ce dernier étant inspiré des approches théoriques fonctionnalistes développées, par exemple, dans le cadre de la construction européenne. Si le Nord a maintenu et réaffirmé son projet fédéral ou confédéral (un seul Etat, mais deux systèmes politiques, du moins dans une première étape), au Sud le discours intercoréen n'a plus vraiment de boussole claire. L'idée d'une "trustpolitik", développée par la Présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye, est très pauvre intellectuellement par rapport à celle de "commonwealth" défendue par les anciens présidents démocrates sud-coréens, selon laquelle il faut créer des espaces de coopération - et pas seulement établir une confiance mutuelle, laquelle ne se décrète pas mais s'instaure et se renforce par des mesures concrètes.

Le troisième point de la Déclaration commune du 15 juin 2000 a porté sur les initiatives communes à prendre pour commémorer la libération de l'occupation japonaise, le 15 août, qui constitue une fête nationale tant au Nord qu'au Sud de la Corée : le Nord et le Sud "ont décidé, à l'occasion du 15 août prochain, d'échanger des groupes de familles et de proches dispersés et de résoudre au plus vite le problème des anciens prisonniers de guerre non convertis et d'autres problèmes humanitaires". En 2000, une des traductions de la Déclaration du 15 juin avait été le retour au Nord, le 2 septembre, de 63 anciens prisonniers politiques sud-coréens ayant refusé de se convertir au système politique et économique du Sud. Par ailleurs, les réunions de familles séparées, de part et d'autre de la DMZ qui sépare les deux Corée, ont pu se tenir régulièrement pendant la politique intercoréenne "du rayon de soleil" des présidences sud-coréennes démocrates (1998-2008), avant de ne devenir plus qu'exceptionnelles (la dernière fois, en février 2014), dans un contexte de remise en cause des principes de la Déclaration du 15 juin 2000 par les conservateurs sud-coréens. Enfin, les cérémonies conjointes prévues cette année à l'occasion du 70e anniversaire de la capitulation japonaise et de la libération de la Corée, le 15 août 1945, émanent, au Sud, de groupes privés, même si l'on peut observer que les autorités sud-coréennes n'y ont pas opposé de veto, du moins à ce jour.

Le dernier point de la Déclaration du 15 juin a porté sur le développement des échanges Nord-Sud, dans différents domaines, mais en citant en premier l'économie nationale : les deux parties "ont convenu de développer de façon équilibrée l'économie nationale par la coopération économique et de promouvoir la collaboration et les échanges dans différents domaines, notamment social, culturel, sportif, sanitaire et environnemental en vue d'approfondir la confiance mutuelle". Mais les sanctions prises unilatéralement par le Sud contre le Nord, le 24 mai 2010, après le naufrage du Cheonan, ont entraîné la suspension de pratiquement tous les échanges économiques, à l'exception notable de ceux de la zone spéciale de Kaesong, au Nord de la péninsule, où opèrent 124 entreprises sud-coréennes employant 53 000 ouvriers nord-coréens. Géré par la filiale Hyundai Asan du groupe sud-coréen Hyundai, très fortement investi dans la réconciliation intercoréenne, le complexe de Kaesong a représenté un volume d'échanges de 2,33 milliards de dollars en 2014. Sur le plan des échanges économiques (investissements directs, commerce extérieur) avec la RPD de Corée, la Corée du Sud est désormais largement distancée par la Chine.

Si la Déclaration du 15 juin 2000 a apporté une réponse adaptée à la question de la division de la Corée, il est hautement regrettable que l'attitude des autorités sud-coréennes depuis 2008 ait non seulement bloqué mais fait reculer les échanges Nord-Sud, lesquels sont désormais principalement le fait, au Sud, d'acteurs privés.

 

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